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B. PEREZ. — facultés de l’enfant

mécaniques et inconscients, et quand ses sensations n’aboutiraient qu’à de sourdes excitations de la sensibilité, il serait déraisonnable d’en contester comme d’en exagérer l’importance. Si la déviation d’un dixième de millimètre subie par une fibre nerveuse, pendant l’état de grossesse, influe considérablement sur la contexture d’un organe quelconque, les impressions de la vie fœtale, soit les impressions régulières, soit surtout les impressions accidentelles, quoique élaborées par des organes imparfaits et inexercés, doivent avoir cependant, sur la constitution générale de l’esprit et sur ses dispositions particulières, une influence qu’il sera sans doute possible de déterminer dans de certaines limites. Ce sont là les premières lueurs de la vie spirituelle, dont l’aurore est le moment de la naissance. C’est la première page du livre, que le psychologue ne doit ni désespérer ni se hâter encore de déchiffrer.

Quelle est la nature, l’intensité des sensations que nous supposons l’enfant intra-utérin apte à éprouver ? Ce sont probablement des sensations déjà intégrées et différenciées de bien-être et de malaise viscéral, des sensations musculaires, cutano-thermiques, peut-être sapides, ces dernières moins distinctes, parce qu’elles sont moins variées et moins différenciées que les sensations vitales et musculaires ; on peut même supposer, malgré l’imparfaite organisation de l’appareil auditif, que les vibrations sonores, transmises par les cloisons abdominales, produisent sur les parties déjà complètes de cet appareil des ébranlements équivalant à un exercice rudimentaire et à des sensations grossières de l’ouïe. Quant à la distinction et à l’intensité de ces sensations hypothétiques, ce que nous pouvons savoir de la nature des sensations nous autorise à inférer qu’elles ne sont pas considérables.

La physiologie contemporaine ne voit, en général, dans la sensation que le résultat d’une altération des organes correspondant à chaque altération du milieu ambiant. L’intensité de la sensation est en raison directe de la résistance que les fibres de la sensibilité opposent à l’action des in : pressions extérieures : c’est la répercussion de cette action sur le sensorium qui produit la sensation. Le nerf de l’adulte est capable de supporter une plus forte excitation que celui du jeune enfant et exige, pour éprouver une sensation donnée, une excitation minimum supérieure à l’excitation minimum qui détermine chez ce dernier une sensation. Mais la facilité d’accommodation de l’organisme enfantin au milieu ambiant, le peu de résistance qu’il oppose à l’excitation extérieure, font que sa faculté sensationnelle est considérablement moindre ; plus facile aux impressions nouvelles, il leur résiste trop peu, il en contracte trop