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auteur la persistance dans les cellules nerveuses des incitations vibratoires qui les ont tout d’abord mises en mouvement, et, en ce qui concerne l’activité intellectuelle, la persistance de ces vibrations toujours conservées à l’état de souvenirs ou d’idées même inconscientes, on comprend l’intérêt que la psychologie pourra prendre aux études relatives au fonctionnement, quel qu’il soit, de la vie psychologique, avant la naissance de l’enfant.

M. Ribot admet la possibilité de recherches utiles à la psychologie sur l’objet qui nous occupe, et spécialement au point de vue de nos connaissances sur l’inconscient. « Les premières formes de la vie inconsciente, dit-il, devraient être cherchées dans la vie fœtale, sujet bien obscur et bien peu étudié au point de vue psychologique. On peut croire avec Bichat et Cabanis que, quoique les sens externes soient, chez le fœtus, à l’état d’engourdissement, et que, dans la température constante de l’amnios, la sensibilité générale du fœtus soit presque nulle, son cerveau a déjà perçu et voulu, comme semblent le montrer les trépignements des derniers temps de la grossesse. » Le professeur Kussmaul va plus loin : il admet que « l’enfant peut, même avant sa naissance, concevoir certaines expériences et acquérir certaines aptitudes par le sens du toucher réveillé par son contact avec la matrice qui l’entoure, de même que par la sensation de soif et de faim excitée par les humeurs amniotiques qu’il avale. Ainsi, déjà à cette époque, l’intelligence de l’enfant commencerait à se développer, bien que très imparfaitement[1]. »

Que sont les modifications de la vie mentale avant la naissance ? Est-ce que l’expérience analogique nous éclairera quelque jour sur cette grave et complexe question ? L’anatomie comparée du cerveau fœtal, du cerveau de l’enfant et du cerveau de l’adulte, nous apprendra-t-elle si les sensations primitives se trouvent ou non arrêtées en chemin avant d’atteindre les fibres nerveuses qui les aident à se transformer en perceptions ? Les organes des sens, quoique incomplètement développés encore, ne laissent-ils pas que de produire des réactions locales, périphériques, vibrations sensitives ou sensations véritables, mais qui n’en sont pas moins, pour les parties impressionnées, une sorte d’exercice rudimentaire équivalant à un commencement d’éducation, d’habitude, de pli, pour ces organes ? Quelle est l’action de la vie extérieure ou de la vie intérieure pour ces âmes à demi formées, à demi actives et peut-être nullement conscientes ? Quand bien même les mouvements du fœtus seraient tous

  1. Cité par Büchner, dans Force et matière.