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résulter de ce rapide historique que le génie de Spinoza n’est pas très adapté à la nature de l’esprit français. La France n’est pas mystique. Elle aime les idées nettes et bien délimitées. Elle a un sentiment vif de l’homme et de l’humanité, et ne se plaira jamais beaucoup à une philosophie qui absorbe par trop l’homme dans le grand tout. Si le spinosisme s’acclimate en France, ce sera en se modifiant considérablement et en se traduisant d’une manière précise, soit dans le sens de ceux qui affirment, soit dans le sens de ceux qui nient la réalité de l’esprit. Les parties nobles et vraiment supérieures du spinozisme sont telles qu’un spiritualisme éclairé peut et doit se les approprier, ne laisant que les moindres à ses adversaires. Spinoza serait ainsi partagé en deux moitiés, dont l’une serait réclamée par les fils de Descartes, et l’autre par les fils de Diderot.

Paul Janet,
de l’Institut.