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sensations et idées ; postulats élémentaires de la théorie associationiste d’après Hartley et Mill ; communication des idées (langage) ; théorie de l’association appliquée aux opérations les plus importantes de l’esprit ; la croyance expliquée par les lois de l’association ; explication par la même théorie des conceptions et rapports principaux (succession, causalité, étendue, mouvement, etc.) ; les facultés actives ; la volonté ; la morale et l’esthétique comme résultant du principe de l’association ; application de ce principe à la politique, à la législation, à l’éducation,

M. Spencer Bower a traité avec quelque détail un point intéressant qui a donné lieu chez nous à discussion : Hartley peut-il être considéré comme le véritable promoteur et organisateur de la théorie associationiste ? M. Renouvier et M. Pillon ont plusieurs fois revendiqué cet honneur pour Hume. Je constate, non sans plaisir, que M. Bower tient par Hartley, comme je l’ai toujours fait, et qu’il apporte en faveur de cette thèse quelques faits nouveaux. « Il n’est pas certain, dit-il d’après Coleridge (Biogr. lit., ch. V), qu’il y ait eu beaucoup d’originalité dans l’essai de Hume sur l’association : on peut soupçonner qu’il a emprunté l’idée principale de ce traité au commentaire de saint Thomas d’Aquin sur les Parva naturalia d’Aristote. On a trouvé un exemplaire de cet ouvrage possédé par Hume et annoté par lui avec le plus grand soin. Les fonctions de l’association ont été établies, même longtemps avant Hobbes, par des aristotéliciens non scolastiques : Mélanchthon, Ammerbach et Louis Vivès, La conclusion de Coleridge, c’est que la base de cette théorie doit être cherchée dans l’enseignement du « gran maestro di color che sanno » (pp. 225, 226).

En ce qui concerne Hartley, on sait qu’il a d’abord exposé sa doctrine fondamentale dans une dissertation intitulée Conjecturæ quædam de sensu, molu et idearum generatione, réimprimée (sans date) par le Dr Parr dans ses Metaphysical Tracts of the Eighteenth Century (1837). Malheureusement, la date de cette dissertation, qui faisait suite à l’un de ses traités sur la pierre, n’est donnée nulle part. Le grand ouvrage de Hartley On man parut en 1749 ; il y travaillait depuis 1730, et même avant cette époque il en avait les germes dans l’esprit. « Il a reconnu avec sa franchise accoutumée qu’il doit la première idée de sa théorie de l’association — ou tout au moins de son application aux questions morales — à un M. Gay » (p. 5). Gay a donné une exposition lucide et agréable de ses idées sur ce sujet dans une préface à un livre de King (sur l’origine du mal) et probablement dans une brochure anonyme : Enquiry into the Origin of the human appetites and affections (1747), réimprimée dans l’ouvrage précité du Dr Parr, Il n’est pas douteux, pour quiconque a lu cette brochure et quelques autres de la même époque, que cette idée était, comme on dit de nos jours, dans Vair. Il est vrai que le Traité de la nature humaine de Hume parut en 1738 ; mais on sait que l’insuccès de ce livre fut aussi complet que possible. Il est donc bien douteux que Hartley l’ait connu. Je ne veux d’ailleurs pas insister sur un débat de priorité, ce qui est toujours un peu oiseux : le