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BIBLIOGRAPHIE. — PETER KNOODT. Anton Günther.

moitié du premier volume de Knoodt, qui fut à la fois son ami et son disciple. C’est une autobiographie où Knoodt ne s’est permis que les modifications les plus indispensables,

Il eut à lutter avec la pauvreté, reçut d’abord l’instruction chez les Piaristes de Heida en Bohème, puis au gymnase de Leitmeritz, enfin à l’université de Prague. Il trouva partout des personnes charitables qui l’accueillirent à leur table, en sorte que ses douze années d’études ne coûtèrent que douze florins au pauvre maréchal ferrant, son père. Il entra ensuite au noviciat des Jésuites à Starewies, en Galicie ; mais il ne tarda pas à reconnaître la vérité de ce que lui disait le recteur du noviciat, le Père Landes, qui pourtant avait su l’apprécier : « Vous n’êtes pas fait pour nous, et nous ne sommes pas faits pour vous. » Là, déjà on lui reprochait de trop s’occuper de l’obéissance philosophique et pas assez de l’obéissance absolue (I, p. 146).

Il faut voir quelle surveillance soupçonneuse les étudiants polonais exerçaient sur leurs camarades allemands. Bien des choses choquaient Günther dans cette maison, à commencer par certains exercices d’humilité : il fallait passer sous la table, pendant le repas des élèves, et baiser les souliers crottés de ses camarades. Sa verve caustique se donne libre carrière sur de pareilles scènes.

Au sortir de là, il fut successivement précepteur dans plusieurs grandes familles, notamment celle du prince Bretzentein, et donna des leçons de philosophie et de religion dans la famille de Schwarzenberg, à Vienne. C’est pour avoir été chez les Jésuites qu’il ne voulut jamais être professeur ; il craignait toujours qu’on ne lui jetât ce reproche à la tête. Il écrivit d’abord des articles de critique dans la Wiener Atlgemeine Literaturzeitung (p. 179, I) et dans les Annales de Vienne. La, aussi bien que dans ses premiers ouvrages, la Préparation à la théologie spéculative, Hercule et Eurysthée, la Lydie, il se fait le champion de la libre discussion philosophique. Il ne veut pas que la philosophie soit simplement l’humble servante de la théologie. Il jette le cri d’alarme, quand il voit des évêques vouloir faire des facultés de théologie leur chose à eux, en les séparant des autres facultés, leurs sœurs, en les parquant dans leurs séminaires (II, 66). Ce n’est pas lui qui eût voulu voir fonder des universités catholiques (Ibid. et p.50), où les candidats entreraient sans subir l’examen (Abiturienten-examen), et où ils devaient parler latin, eux qui avaient été dispensés d’études régulières. Il signale les envahissements des Jésuites, même en Prusse, où, peu après 1848, le gouvernement avait peur du spectre rouge (II, 116). Lui et les siens, je veux dire son parti, ont en égale horreur cet ordre, qui prétend être une Église dans l’Église. « Où ils s’établissent, nous sommes à la veille d’une conflagration générale » (II, 97). On conçoit qu’avec de telles idées Günther et son école durent avoir de nombreux ennemis ; parmi les professeurs, les plus acharnés contre eux furent Clémens, de Bonn, et Oischinger ; parmi les prélats, au premier rang se distinguait le cardinal Geissel, de Cologne, qui cachait son jeu et