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J. OCHOROWlCZ. — projet d’un congrès de psychologie

nourri cependant toute une génération, au commencement de notre siècle.

L’année 1825 constitue, à certains égards, une limite idéale, un moment de transition, où s’exécute l’équilibre de deux tendances opposées, où les idées réformatrices élaborées par le xviiie siècle se donnent rendez-vous avec les habitudes métaphysiques du passé. Herbart en Allemagne, James Mill en Angleterre, Jouffroy en France, Romagnosi en Italie et Suiadecki[1] en Pologne représentent cette époque intermédiaire surtout Herbart. C’est lui qu’on doit mettre en tête de cette époque ; d’abord pour l’insigne importance de son œuvre en psychologie, et ensuite par l’influence, lente il est vrai, mais décisive, qu’il exerçait sur ses compatriotes, les moins empressés, comme l’on sait, à être désabusés des vieux procédés spéculatifs. Le titre même de son livre principal caractérise bien les aspirations du moment et ce changement d’idées, à la fois inattendu et insuffisant, qui venait de s’accomplir dans l’atmosphère étouffante des systèmes de Fichte, de Schelling et de Hegel, s’annonçant comme un rayon de lumière, qui finira bientôt par dissiper l’obscurité :

« La psychologie comme science renouvelée sur la base de l’expérience, de la métaphysique et de la mathématique » (1825). Voilà ce qui s’appelle être prodigue. « Fondée sur l’expérience, » à la bonne heure ; c’est ce qu’il nous faut. « Sur la métaphysique ? Nous en avons assez celle-ci a fait son chemin dans le monde, et la psychologie n’a plus rien à lui demander. « Sur la mathématique ?… » Et pourquoi pas ? Mais c’était malheureusement une idée trop précoce pour 1825. En somme, nous y voyons une réforme à double face, l’une regardant le passé, l’autre visant l’avenir. Mais c’est là une loi de l’évolution. Le progrès ne s’accomplit qu’à petits pas ; les idées ne se réalisent que par fractions. Ne voyons-nous pas même de nos jours, dans l’esprit d’un Lotze, d’un Fechner ou Hartmann, une philosophie préhistorique se joindre aux plus belles découvertes de la science moderne ?… Ce qui est sûr cependant, c’est que les idoles de la métaphysique substantialiste vont tous les jours diminuant, qu’au contraire la méthode empirique gagne du terrain, et qu’il faut aller jusqu’à Halle pour entendre de la bouche du professeur Erdmann que la manière purement empirique de traiter (die bloss empirische

  1. Jean Suiadecki, mathématicien et psychologue (1756-1830), le plus radical des philosophes cités, ennemi résolu de la métaphysique en psychologie, qu’il considère comme « science des phénomènes psychiques ». Par ses aperçus généraux, précurseur d’Aug. Comte. Son œuvre principale, Philosophie de l’entendement humain (1882), contient, entre autres, un chapitre remarquable sur la genèse expérimentale de toutes les conceptions mathématiques.