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toutes ses facultés. Cela peut sembler une pétition de principe. Cependant toute philosophie en est là : elle consiste à hypostasier soit nos sensations, soit nos idées, soit notre volonté ; elle fait donc de nous le centre du monde, Le grand problème de la philosophie depuis Locke a été celui de la synthèse des sensations et des perceptions. L’auteur critique sur ce sujet tes deux principales solutions, celles de Hume et de Kant. Il reproche au premier de ne pas reconnaître quelque chose qui fasse la synthèse des perceptions actuelles et en qui elles subsistent. Il reproche au second de substituer de purs concepts aux pouvoirs actuels qui font la synthèse.

Mais comment donc trouver cette existence substantielle ? Pour y arriver, prenons le fait de conscience le plus immédiat et le plus élémentaire, c’est-à-dire une sensation ou impression, par exemple le nombre de vibrations aériennes qui frappent le tympan en une seconde. Il est certain qu’il y a là une multiplicité d’actions numériquement discrètes, et cependant chacun des membres de cette série ne périt pas, dès qu’un autre lui succède ; le résultat est au contraire un état de conscience, synthétique, homogène. Nous sommes là en face du plus solennel mystère. L’auteur, par une suite de déductions assez obscures, établit que le corps, qu’on a bien à tort qualifié de vil, est le fondement de notre personnalité ou tout au moins l’une de ses bases. Ce qu’on appelle une substance ne peut être « qu’un foyer d’énergie identique, indivisible, durable, se soutenant lui-même » ; or la substance vivante ou l’individu organique présente tous ces caractères[1].

L’auteur passe ensuite à un point de vue beaucoup plus général. Il rattache la personnalité à une substance universelle, un absolu qui, comme le dit bien Spinoza, est indéterminé, parce que « Determinatio est negatio ». La morale des néoplatoniciens, qui consiste à s’absorber dans ce grand tout, est bien supérieure à l’optimisme et au « personnalisme », qui ne sont que des illogismes. Les peuples d’Orient ont vu depuis longtemps cette solution, et l’Europe y revient.

Punnett. L’utilité comme fin prochaine en morale. — L’auteur rappelle en quelques mots le but de l’évolution et son résultat final, tel que Herbert Spencer l’expose dans The Data of Ethics, un état où l’utile et l’agréable seraient une seule et même chose, « où la conscience aura chanté son Nunc dimittis, où le sacrifice de soi-même sera transformé en un rare plaisir, où l’hédonisme empirique sera devenu un automatisme hédonique. Telle est l’euthanasie réservée à nos difficultés éthiques, si l’évolution est un bon prophète. » La thèse

  1. Voici sa définition de la personnalité, que nous renonçons à traduire : « Personal identity is grounded in an forder of efficiency unthinkably more unfathomable than any thought of ours, than any kind of intelligibly discernible potentiality ; unthiokably more substantial than any thing found in conceptional revelation. It is perpetual experience, immemorial memory incorporated, systematised, and ever organically resuscitated. »