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CH. RICHET. — l’irritabilité cérébrale

Sur la grenouille l’application de cette méthode est simple. Il suffit de prendre une grenouille intacte, et d’introduire un des pôles dans le cerveau. Sur d’autres animaux on peut faire la même expérience. Ainsi, en expérimentant avec des écrevisses, on peut employer facilement l’excitation ganglio-musculaire. On introduit un des pôles par l’orifice buccal, l’autre pôle étant introduit dans la branche fixe de la pince dont on veut enregistrer la contraction.

Le premier point à étudier est celui-ci. Quand on excite simultanément le muscle et le cerveau, faut-il une excitation plus forte que si l’on excitait uniquement le muscle ?

Il m’a paru que le résultat n’était pas le même sur la grenouille et sur l’écrevisse. En effet, on peut, sur la grenouille, constater un fait bien positif : c’est que l’ablation du cerveau augmente l’excitabilité névro-musculaire. Autrement dit, je suppose qu’on a constaté qu’il faut pour une excitation ganglio-musculaire efficace un courant répondant au n° 20 de la bobine, par exemple. Si l’on vient à sectionner le nerf moteur, de manière à supprimer l’influx cérébro-médullaire, un courant plus faible (répondant au No 24 de la bobine) sera suffisant pour provoquer la contraction du muscle. Cette expérience, variée de différentes manières, m’a donné toujours ce résultat, qui est assez important. Or on ne peut attribuer l’accroissement d’excitabilité à la section du nerf, car, même lorsque la section est faite très haut, on n’en constate pas moins ce fait que le muscle répond mieux à l’excitation quand elle est directe ou névro-musculaire que quand elle est cérébro-musculaire.

Il s’ensuit donc que, toutes les fois qu’il y a une excitation simultanée du cerveau, l’excitabilité du nerf et du muscle diminue. Peut-être faut-il admettre qu’il existe, partant du système nerveux central pour se rendre au muscle, des nerfs qui, vis-à-vis de la fonction contractile, jouent le rôle de nerfs d’arrêt. C’est une hypothèse quelque peu téméraire, mais qui seule permet de bien expliquer les faits exposés ci-dessus.

Sur d’autres animaux, dont les nerfs sont beaucoup moins excitables que les nerfs de la grenouille, il semble que l’excitation cérébro-nerveuse soit plus efficace que l’excitation nerveuse simple. Ainsi, sur l’écrevisse, j’ai constaté souvent que les ganglions sont excitables au No 14 de la bobine, tandis que le muscle n’est excitable qu’au No 9, 5.

Si nous poursuivons l’étude des résultats que donnent ces expériences, nous voyons qu’une excitation forte retentit sur l’appareil cérébral, de telle sorte qu’elle laisse un accroissement d’excitabilité qui persiste longtemps après que l’excitation a cessé.