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CH. RICHET. — l’irritabilité cérébrale

que l’excitation électrique atteint, non pas le corps strié qui est très loin, mais la couche de substance blanche immédiatement sous-jacente. Rien ne nous assure que la substance grise corticale est seule à subir l’action électrique. Des preuves indirectes doivent donc être invoquées ; car il n’y a pas de preuve directe sans réplique, vu le peu de distance qui sépare la couche grise et la couche blanche.

MM. Franck et Pitres[1] ont apporté un certain nombre de faits à l’appui de l’hypothèse de l’excitabilité directe des cellules grises du cerveau par l’électricité. Le retard, c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre l’excitation et la réaction (autrement dit la période d’excitation latente), est considérable quand l’excitation porte sur la substance grise. Mais, si l’on vient à enlever la petite couche de 2 millimètres de substance grise qui constitue la périphérie du cerveau, et que l’on excite directement la substance blanche sous-jacente, alors le retard diminue beaucoup[2]. MM. Franck et Pitres pensent que cette diminution du retard indique que, dans la première expérience, quand l’écorce est intacte, la substance grise qui est excitée offre une très grande résistance à l’excitation et par conséquent une longue période d’inertie. Au contraire, la période d’inertie est beaucoup moins longue quand la substance blanche est excitée directement, sans l’intervention de la substance grise[3].

À cette preuve, un peu trop indirecte pour entrainer absolument la conviction, car elle suppose résolues beaucoup d’hypothèses, une autre preuve plus démonstrative a été ajoutée. Si l’on excite la substance grise, il y a un mouvement dans les membres ; mais ce mouvement est suivi d’une sorte de tétanos, d’une crise épileptiforme prolongée[4]. Ce tétanos secondaire est dû à la réaction de la substance grise. En effet, si, même avec des courants beaucoup plus intenses, on vient à exciter la substance blanche, on obtiendra le même moument que précédemment, mais qui ne sera pas suivi de tétanos épileptiforme.

Ces deux expériences sont assez probantes en faveur de l’excitabilité de la substance grise. On peut cependant leur opposer une objection. Si, lorsque la substance grise est intacte, on obtient à la suite de l’excitation corticale un tétanos épileptiforme, ce tétanos peut tenir à la réaction secondaire de la substance grise. Dans ce

  1. Travaux du laboratoire de M. Marey, 1879, t. IV, p. 413.
  2. Voyez la figure 141, p. 433 du mémoire de MM. Franck et Pitres.
  3. Ce dernier résultat paraît confirmé par les recherches toutes récentes de MM. Bubnoff et Heidenhain (Archives de Pfüger, t. XXVI, p. 158).
  4. Voyez les graphiques de ces attaques épileptiformes dans le mémoire de MM. Franck et Pitres, fig. 442, 143, 144, 145, 447 et 448. Loc. cit.