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l’inexcitabilité de la substance grise médullaire. Depuis le mémoire classique de Van Deen, un grand nombre de travaux ont été faits[1], qui laissent la question non jugée encore.

Mais on pouvait espérer, en excitant le cerveau recouvert par une écorce grise facile à atteindre et éloignée de toute racine nerveuse, trouver un moyen de résoudre cette importante question de l’excitabilité directe de la substance nerveuse.

Galien, dans l’antiquité, puis, dans les temps modernes, Lorry, Haller, Flourens, Longet, avaient cru constater que la substance grise corticale est tout à fait inexcitable. Mais les recherches célèbres de Fritsche et Hitzig (1870) sont venues détruire ce dogme, et, par une sorte de réaction assez naturelle, on a admis très généralement que les agents physiques tels que l’électricité peuvent exciter directement les cellules du cerveau.

Si nous examinons les preuves qu’on donne, soit pour soutenir, soit pour renverser la théorie de l’excitabilité directe de l’écorce cérébrale, nous voyons d’abord que les actions mécaniques n’ont aucun effet. Tous les chirurgiens savent, ce qu’on avait déjà remarqué du temps d’Ambroise Paré, que, lorsque le cerveau fait hernie, à la suite d’une plaie et d’une fracture du crâne, on peut le toucher, l’exciser, le détruire, sans provoquer ni douleur ni mouvement[2].

Haller, expérimentant sur la sensibilité de tous les organes du corps, avait bien vu qu’il faut aller au delà de l’écorce cérébrale pour provoquer, par des agents mécaniques, des mouvements ou des sensations de l’animal[3]. Non ergo videtur aut sensum in cortice cerebri exerceri, aut plenam perfectamque causam motus muscularis in eo habitare, quum præterea plurima experimenta demonstrent, profundo demum loco et a cortice cerebri valde remoto, medullam lædi oportere, ut convulsio superveniat.

Presque tous les physiologistes ont constaté qu’on peut impunément détruire, dilacérer, extirper, certaines portions de l’écorce du cerveau. Si l’on a soin de ne pas toucher à la dure-mère, jamais l’animal ne paraît sentir, et jamais il ne réagit.

La cautérisation ne produit pas non plus d’effets appréciables, et l’application de substances caustiques sur le cerveau dénudé n’est, en général, accompagnée d’aucune réaction immédiate. J’ai sou-

  1. On les trouvera indiqués dans Hermann Handbuch der Physiologie, par M. Eckhardt, t. II, 2e partie, p. 146, et dans l’article Moelle, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, par M. Vulpian.
  2. Escard, Des hernies du cerveau à la suite des blessures de guerre. Thèse inaugurale, Paris, 1879.
  3. Elementa physiologiæ, t. IV, p. 392, 393.