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Dr Ferdinand Weber. — System der altsynagogalen palaestinischen theologie aus targum, Midrasch und talmud dargestell. Nach des Verfassers Tode herausgegeben von F. Delitzsch und G. Schedermann. Leipzig, Dörffling und Franke, 1880. 1 vol. in-8o de xxxiv, 400 pag.

Ce livre mérite d’être accueilli favorablement, car il répond à un effort méritoire et se propose de combler une lacune grave dans la connaissance du développement interne de l’une des principales religions du monde. Sans se placer sur le terrain proprement dit de la philosophie, on peut dire, d’autre part, que les matières dont il traite y confinent constamment et qu’elles sont indispensables à sa complète intelligence. Les éditeurs ont parfaitement marqué les services que les philosophes et les théologiens tireront de la publication posthume de M. Weber, en disant : « Une critique bienveillante ne refusera pas à cet ouvrage le mérite d’enrichir positivement le domaine de la science religieuse. La loi mosaïque, reconnue comme révélation divine et obligatoire, forme sans doute le noyau du judaïsme avec l’accompagnement de la tradition qui en indique l’application. Mais, autour de ce centre fixe s’est formé, avant que commençât l’influence de la philosophie au moyen âge, un large cercle de conceptions dogmatiques et éthiques, qui, en dépit de la bigarrure qu’y introduit la pensée individuelle, ne manquent cependant point de traits communs ; l’ouvrage de F. Weber est le premier essai qui ait été fait d’exposer d’une façon purement historique, sans parti pris et sans hostilité, les conceptions religieuses chez les Juifs de Palestine aux premiers siècles de notre ère, où christianisme et judaïsme tirent chacun de son côté. » L’écrivain, quoique chrétien, n’a donc rien de commun avec ces auteurs de compilations haineuses qui ont défrayé les passions mesquines de générations précédentes et auxquelles les « anti-sémites » actuels vont encore demander des armes.

Une question toutefois se pose : l’ancienne théologie palestinienne formait-elle un tout systématique, ce qu’on appelle de nos jours une dogmatique ? Voici à cet égard l’opinion d’un des meilleurs hébraïsants, d’un des plus fins connaisseurs des choses juives, de nos jours, M. J. Derenbourg : « Le judaïsme a eu la bonne fortune de tomber fort tard entre les mains des philosophes. La religion juive a pu se développer en toute liberté durant de longs siècles sans être entravée par la chaîne de formules systématiques. À part le dogme, qui en est la base fondamentale, le monothéisme, toutes les opinions ont pu se faire jour sans être arrêtées par une autorité quelconque ; de là cette grande diversité des idées sur Jahwéh même… De là aussi les difficultés insurmontables qui s’opposent à toute tentative de rédiger un corps de doctrines, une théologie de la sainte Écriture… Le judaïsme ne connaît pas de tentative pour fixer les dogmes avant le xe siècle de l’ère vulgaire, et jamais docteur de la synagogue n’a pu s’arroger l’autorité d’un concile. »