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comme excuse que l’abrégé de miss Martineau était écrit en anglais et quelles ignoraient cette langue ; mais, voici une dizaine d’années, un modeste employé des douanes de Bordeaux, M. Avezac-Lavigne, auteur d’un intéressant ouvrage sur Diderot et le baron d’Holbach, en donna une édition française. Cette traduction répondait à un réel besoin ; aussi fut-elle épuisée en peu de temps. Toutefois nous avons quelque lieu de croire qu’elle le fut bien moins par nos dames que par leurs frères et leurs maris.

Fallait-il rééditer la traduction de M. Avezac-Lavigne ? Fallait-il tenter de rédiger une condensation nouvelle d’après une méthode un peu différente de celle qu’avait suivie miss Martineau ? M. Jules Rig a été de ce dernier avis, et on ne saurait l’en blâmer, puisqu’il a pleinement réussi dans son entreprise.

Miss. Martineau procède volontiers par extraits. Elle traduit des phrases entières et en supprime d’autres totalement. De là parfois, malgré son talent, des sauts trop brusques entre certaines idées privées de leurs transitions nécessaires. — M. Rig évite ce léger défaut ; il procède d’ordinaire par analyse et arrive ainsi à donner en un paragraphe la substance de plusieurs pages. Évidemment, les idées de l’auteur ne se présentent pas ainsi avec toute l’ampleur qu’elles revêtent dans l’œuvre originale ; mais, s’il y a réduction de l’échelle, il n’y a pas, d’ordinaire, altération des proportions.

Quoi qu’il en soif, le public a maintenant sous la main le traité complet et deux condensations très bien faites de la Philosophie positive. Si une personne argue encore d’ignorance quant aux doctrines d’Auguste Comte, c’est qu’elle le voudra bien.


P. F.

L’abbé M. Morlais. — Étude sur le Traité du libre arbitre de Vauvenargues. 1 vol. Thorin. 1881.

M. Morlais expose et discute dans sa thèse un opuscule de Vauvenargues sur le libre arbitre, Il étudie d’abord en quelques pages le « jeune moraliste », analyse son caractère, son esprit condamne sévèrement ses « aspirations jansénistes et humanitaires », provoquées où fortifiées par « le souffle délétère » du libre examen.

La théorie de Vauvenargues est en somme un déterminisme rigoureux qu’il formule nettement et qu’il accorde à sa manière avec la morale et la religion. M. Morlais s’efforce de la réfuter en se plaçant : 1o au point de vue psychologique, 2o au point de vue théologique. Il nous montre la : volonté comme une faculté active et libre, limitée non contrainte par les motifs : rien de nouveau et d’original dans ces analyses et arguments. Vauvenargues reste à tout prendre plus précis et plus persuasif. M. Morlais n’est guère plus heureux en théologie, où il parait surtout indécis et timoré. Soumis à l’Église, dont il accepte d’avance les déci-