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notices bibliographiques

Rig, qui vient de paraître en deux volumes, est l’un de ces livres. C’est pourquoi nous nous faisons un plaisir d’en annoncer la publication.

Chacun sait que l’ouvrage original se compose de six énormes volumes d’une impression fort compacte et d’un style avec lequel certaines personnes ont eu peine à se familiariser. Relativiste avant tout, Auguste Comte redoutait toujours qu’on attachât un sens absolu à certaines de ses propositions ; de là sa préoccupation de ne négliger aucune nuance dans la formulation de sa pensée ; de là aussi les défauts de son style. Comme l’a dit de celui-ci une femme distinguée, miss Harriet Martineau, dont le nom est justement célèbre en Angleterre, « il est en même temps riche et diffus. Chaque phrase est pleine de sens et chargée de mots. La scrupuleuse honnêteté de l’auteur l’a porté à accompagner ses énonciations d’épithètes si souvent répétées que, bien qu’en son propre esprit elles fussent nécessaires dans chaque cas pris à part, elles deviennent fatigantes, surtout vers la fin du livre, et manquent leur effet par leur répétition constante. » Aussi, dès l’apparition de l’ouvrage, certains disciples éprouvèrent-ils le désir d’en faire un abrégé renfermant le suc et la moelle des idées de l’auteur, mais les présentant au public sous une forme plus accessible.

Conçu d’abord par un Anglais, M. Lombe, ce projet fut, peu de temps après, réalisé avec un grand succès par celle dont nous venons de citer le nom, miss Harriet Martineau.

Elle ne négligea rien de ce qui lui semblait nécessaire pour donner à son travail de condensation le caractère de fidélité intelligente qui en devait faire la valeur. Se fiant à elle-même, non sans de justes motifs, pour ce qui concernait la chimie, la biologie, la sociologie, ainsi que les conclusions morales et pratiques de l’œuvre, elle fit revoir par un savant autorisé, le professeur Nicholl, de Glasgow, les trois premières sections, relatives à la mathématique, à l’astronomie et à la physique. Son succès fut complet ; et Auguste Comte déclara que, si le livre original devait toujours être lu par les savants, la condensation de miss Martineau devait être choisie de préférence par les prolétaires et les femmes qui voudraient se faire une opinion des doctrines positivistes.

Que les dames françaises aient jusqu’à ce jour usé beaucoup de l’invitation qui leur était ainsi adressée, c’est ce sur quoi le doute est plus que permis. Entrainées par la réaction cléricale qui a marqué le commencement et le milieu de notre siècle, bien peu se souviennent qu’à la suite de Mme Geoffrin, de Mlle de Lespinasse, de Mme d’Epinay et de tant d’autres, bon nombre de leurs grand’mères avaient compté parmi les principaux appuis de l’école encyclopédique du siècle dernier. Espérons que l’instruction plus solide et plus libérale qui leur sera bientôt départie rappellera davantage leur attention sur les principales doctrines’qi se disputent l’esprit humain, et que, sans prétendre au titre de philosophe, quelques-unes au moins, d’ici peu d’années, voudront avoir une légère teinture de philosophie,

Pendant longtemps, il est vrai, nos compatriotes auraient pu objecter