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pour première base l’expérience sensible, sans en critiquer la valeur, sans nous dire pourquoi il part du phénomène extérieur et non du fait de connaissance psychologique. 2o Le concept de la substance n’est pas irréprochable. L’indivisibilité de l’atome et la possibilité du nombre infini restent en somme des postulats, c’est-à-dire ici des contradictions nécessaires bien vite acceptées. N’est-ce pas se payer de mots que d’attribuer la connaissance infinie à des éléments dépourvus de toute pensée ? comment concevoir encore cette puissance infinie, même à l’état virtuel (et ceci n’est pas toujours fort explicite), dans des êtres matériels finis en étendue ? Sans doute M. Roisel nous répète que la nature de la cause est inexplicable ; mais peut-elle, surtout dans son système, être inconcevable et contradictoire ? L’auteur ne semble pas admettre un instant la possibilité d’une substance spirituelle : les idées de Berkeley, de Leibnitz et de tant d’autres ne méritaient-elles donc pas au moins une réfutation ? 3o Les êtres composés ou particuliers étant plus parfaits que les éléments, il faut rendre raison de ce progrès. M. Roisel ne nous explique ni la première rupture d’équilibre, et il le reconnaît lui-même, ni surtout les synthèses des atomes qui arrivent à des formes de plus en plus élevées, ni l’unité de direction indispensable au progrès.

Malgré ces défauts, qui sont graves, il y a dans cette seconde partie des idées excellentes et parfois originales : sur l’association, sur la nécessité de la désagrégation, sur l’unité organique distinguée de la simplicité, sur l’impersonnalité de la substance, sut la personne humaine. Il faut signaler entre autres une page remarquable, la dernière (172-173), sur la moralité.

Nous avons insisté surtout, trop peut-être, sur les critiques. Nous n’avons garde de méconnaître les mérites de l’ouvrage, l’érudition scientifique et le talent de M. Roisel. Son livre semble être destiné à vulgariser des idées nouvelles et à les opposer aux dogmes autrefois classiques ; toute la première partie répond bien à cette intention ; la partie métaphysique est beaucoup plus faible, et malheureusement le problème posé est avant tout métaphysique.

C.

Jules Rig. — La philosophie positive d’Auguste Comte. 2 vol. in-8. Paris, J.-B. Baillière.

Qu’on en soit le partisan ou l’adversaire, il est, à chaque époque, des doctrines dont la connaissance s’impose à tous les esprits cultivés. Tel fut, au xviie siècle, le cartésianisme ; tel est, au xixe siècle, le positivisme. À son égard, la lutte se comprend, les dissidences s’expliquent ; l’ignorance ne se conçoit plus. Le public philosophique ne peut donc qu’accueillir avec faveur tout livre qui, sous une forme claire, élégante et précise, est destiné à en répandre la connaissance.

La Philosophie positive d’Auguste Comte, résumée par M. Jules