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ANALYSES. — F. Y. EDGEWORTH. Mathematical psychies.

Le calcul du plaisir peut se subdiviser en économique et en utilitaire. Le calcul économique recherche quel est l’équilibre d’un système de forces hédoniques (c’est-à-dire de forces pouvant prouver une jouissance) tendant chacune vers un maximum individuel. Le calcul utilitaire recherche l’équilibre d’un système où chacune et toutes tendent vers un maximum universel.

Le premier principe du calcul économique est que chaque agent n’est mû que par son propre intérêt. Les actions de ce principe peuvent être envisagées sous deux aspects, suivant que les agents agissent sans ou avec le consentement des autres agents affectés par ces actions. Exemple : un commerçant peut abaisser ses prix sans ou avec entente préalable entre lui ou ses concurrents. Le premier cas réalise un état de guerre ; dans le second cas, il y a contrat.

Prenons pour exemple le cas du contrat. Pierre loue moyennant un certain salaire son travail à Paul. Il est clair que le taux du salaire peut être tellement bas, qu’en dessous de ce taux le contrat ne se serait pas signé. Dans cette hypothèse l’avantage de Pierre est nul, Dans l’hypothèse contraire, c’est-à-dire quand le salaire a atteint son maximum, l’avantage de Paul est nul, Entre ces deux limites extrêmes se rangent toutes les espèces de contrats qui procurent certains avantages aux deux contractants. On comprend maintenant que l’on peut poser la question de savoir comment ces deux tendances antagonistes vont se concilier, ou, en termes de mathématiques, quel sera leur état d’équilibre.

Il va de soi qu’on ne peut traiter un pareil problème qu’en faisant certaines suppositions générales, les plus générales possible, mais qui toutes visent à exprimer quantitativement les forces en jeu. On va me dire : Comment évaluer mathématiquement l’intérêt de Pierre où de Paul ? Sans doute, s’il s’agissait d’une évaluation numérique, ce serait actuellement chose impossible car toute évaluation de cette espèce doit reposer sur des expériences préalables ce qui suppose qu’on a fait choix d’une unité et qu’on a pu diviser en parties égales l’objet à mesurer, On n’en est guère là. Heureusement que, théoriquement parlant, il suffit d’une pure évaluation algébrique ou quantitative. On ne peut nier, en effet, que l’intérêt est une chose qui peut être plus ou moins grande : c’est donc une quantité. Or il y a un calcul, des plus transcendants il est vrai, qui aborde et traite ces sortes de questions à première vue très indéterminées, mais dans le fait parfaitement déterminées : c’est le calcul des variations. Grâce à lui, le mathématicien résoudra, par exemple, le problème suivant : Quelle doit être la forme d’un corps d’une capacité donnée pour que, se mouvant dans un liquide, il subisse le moins de résistance possible. On se donne les équations d’un solide en général, et l’on calcule la formule générale de la résistance qu’éprouve le solide en mouvement dans le liquide, Jusque-là le problème est complètement indéterminé, Mais ce qui le détermine, c’est la condition que cette résistance soit un minimum. Or ce calcul fait varier —