Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/540

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
536
revue philosophique

teurs anthropologiques ou individuels, les facteurs physiques et naturels et les facteurs sociaux. Il n’est pas difficile de voir que l’efficacité des peines sera très faible ; mais elle ne sera pas nulle ; elle ne peut que s’opposer aux facteurs individuels, et encore, parmi ceux-ci, elle n’a d’efficacité réelle que sur les facteurs occasionnels.

On voit que les nouveaux horizons ouverts au droit pénal par M. Ferri ne sont pas très étendus ; s’il parvient à le sauver des dangers que les diverses sciences paraissent lui faire courir, il se trouve qu’il ne lui garde à peu près aucune des qualités qu’on se plaisait à lui reconnaître.

Ce qu’il y a de mieux pour empêcher le crime, ce n’est pas de punir le malfaiteur, c’est de réformer la société. Si Romagnosi n’avait pas tort de dire qu’il faut opposer aux impulsions criminelles les contre-impulsions pénales, il a bien plus raison celui qui dit qu’il faut, avant de se fier à la dynamique des contre-impulsions directes, essayer de faire disparaître indirectement les impulsions criminelles. Il faut donc, par des dispositions législatives, politiques, économiques, administratives, pénales, donner à l’organisme social une telle nature que l’activité humaine soit continuellement et indirectement guidée en dehors des voies du crime, en contrariant le moins possible les énergies et les besoins individuels et en supprimant les tentations et les occasions de commettre des crimes.

M. Ferri entre ensuite dans des considérations sur les réformes à accomplir ; nous ne pouvons le suivre dans tous les détails de son œuvre ; il nous suffit d’en avoir indiqué les traits généraux, C’est avec plaisir qu’on voit la philosophie s’appliquer à des problèmes dont la solution importe tant à la société. M. Ferri n’aura pas inutilement travaillé. Si son livre renferme quelques parties contestables, la méthode en est bonne et les résultats souvent précieux : il renferme beaucoup de faits et d’idées et suggère bien des réflexions.

P. Paulhan.

F. Y. Edgeworth. — Mathematical psychics, an essay on the application of mathematics to the moral sciences. Londres 1881. 150, p.

Le livre de M. Edgevworth sur l’application des mathématiques aux sciences morales ne s’adresse pas à la généralité des lecteurs. Pour le comprendre, il faut être initié à la fois aux calculs transcendants de la haute analyse et aux problèmes compliqués de l’économie sociale. Aussi, bien que j’aie accepté d’en parler dans cette Revue, je n’hésite pas à déclarer que je n’ai jamais fait une étude spéciale des questions traitées si savamment dans ces quelques pages. Je me bornerai donc à essayer de donner au lecteur une idée de ce genre de travaux. Ce n’est pas là chose facile. L’auteur lui-même consacre maintes pages et dans le corps de l’ouvrage et dans l’appendice à justifier sa méthode.