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tous. Les gens qui ont commis un crime peuvent se répartir en plusieurs catégories, et, si la science pénale n’a rien à voir aux mesures qu’on prend contre plusieurs de ces catégories, elle aura cependant à s’occuper des autres.

Voici comment M. Ferri classe les criminels :

1o Les criminels fous ou à moitié fous ;

2o Les criminels nés incorrigibles ;

3o Les criminels qui ont l’habitude du crime ;

4o Les criminels par passion ;

5o Les criminels par occasion.

Les premiers ne relèvent pas du droit criminel proprement dit, il faut les enfermer dans un manicomio criminale, dans un établissement intermédiaire entre la maison des fous et la prison. Pour les criminels incorrigibles, il faudrait établir des établissements spéciaux où seraient enfermés tous ceux qui, ayant récidivé un certain nombre de fois, seraient reconnus faire partie de la seconde catégorie. On peut se demander s’il ne vaudrait pas mieux employer la peine de mort et débarrasser ainsi la société d’un danger continuel. M. Ferri voit bien quelques avantages à ce moyen de sélection ; mais, dit-il, « si l’on veut retirer quelque utilité de la peine de mort, il faut l’appliquer sérieusement et avoir le courage de tuer en Italie, chaque année, au moins deux mille individus. » — Ce ne seront pas huit ou dix exécutions par an qui guériront la maladie de la société. Les exécutions trop rares, et toujours trop retardées, ont tous les inconvénients et n’ont aucun des avantages possibles de la peine de mort, car elles réveillent d’un côté la compassion des bons et l’antipathie pour la loi, de l’autre côté les instincts féroces de la multitude même avec des exécutions secrètes. M. Ferri est ainsi conduit à rejeter la peine de mort, qu’il serait impossible d’appliquer d’une manière efficace. Reste donc, comme peine à appliquer, la détention perpétuelle ou indéfinie. Mais cette mesure pourrait être considérée comme n’appartenant pas proprement au droit pénal. Le progrès de l’anthropologie fait substituer, pour les criminels nés incorrigibles, la séparation continuelle, à la peine, au châtiment comme on le comprend en général. L’auteur pense que le nombre des récidives qui peuvent établir l’impossibilité de la correction doit varier selon les crimes. Pour les assassins, un premier crime suffirait à faire décréter la séparation indéfinie, quand on reconnaîtrait sur le criminel les caractères anthropologiques des criminels de race. Pour d’autres crimes moins importants, il faudrait deux, trois ou quatre récidives.

Les criminels d’habitude sont ceux qui, tout en ne présentant pas les caractères anthropologiques du criminel de race, sont condamnés aux crimes par leurs mauvaises habitudes et par les conditions d’existence déplorables que leur fait la société. La prison les a corrompus, l’alcool les a hébétés ; la société, au sortir de la prison, les abandonne à la misère, à l’oisiveté, aux tentations, et leur rend difficiles les moyens