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HERBERT SPENCER. — la société industrielle

« honnêteté méticuleuse » dans toutes leurs affaires ; ils sont très désireux de donner ; et, quand on les amène à vendre, ils ne prendraient que la moitié de ce qu’on leur offre. « J’espère, dit miss Bird, ne jamais oublier la musique de leurs voix charmantes, le doux éclat de leurs beaux yeux bruns, et la merveilleuse suavité de leur sourire[1]. »

Ces éléments de supériorité dans les relations sociales, dans les tribus qui vivent dans une paix permanente, entraînent une supériorité dans les relations domestiques. Ainsi que je l’ai déjà fait voir, si la condition légale des femmes est d’ordinaire très inférieure chez les tribus adonnées à la guerre et dans les sociétés belliqueuses plus avancées, elle est très élevée dans ces sociétés pacifiques primitives. Les Bodos et les Dhimals, les Konds, les Santals et les Lepchas sont monogames, comme l’étaient les Pueblos ; avec la monogamie, il y a chez eux une moralité sexuelle supérieure. Chez les Lepchas, dit Hooker, « les femmes sont généralement chastes, et la fidélité conjugale est rigoureusement respectée[2]. » Chez les Santals, « on ne connaît pas l’impudicité, » et « le divorce est rare[3] ». Les Bodos et les Dhimals ne tolèrent ni la polygamie, ni le concubinage, ni l’adultère. « On estime la chasteté chez l’homme et la femme mariés ou non[4]. » Il faut remarquer encore que chez ces peuples la conduite des femmes est extrêmement bonne. « Le Santal traite les femmes de sa famille avec respect[5]. » Les Bodos et les Dhimals montrent « à leurs femmes et à leurs filles de la confiance et de la bonté ; celles-ci ne sont assujetties à aucun travail quelconque hors de la maison[6] » Chez les Todas même, bien que leurs relations sexuelles soient dégradées, « les maris traitent leurs femmes avec respect et égards[7]. » En outre, nous savons que dans plusieurs de ces tribus pacifiques la condition légale des enfants est supérieure ; on n’y voit aucune des différences dans la manière de traiter les garçons et les filles qui caractérisent les tribus militantes[8]

  1. Miss Bird, Unbeaten tracks in Japan, I, 103, 14.
  2. Hooker, loc. cit., I, 184.
  3. Hunter, loc. cit., 208.
  4. Hodgson, loc. cit., XVIII, 708.
  5. Hunter, loc. cit., 208.
  6. Hodgson, Essays, I, 150.
  7. Journal of Ethnological Society, VII, 241.
  8. Dans un écrit intitulé Symposium publié dans le Nineteenth century (avril, mai 1871) se trouve discutée l’influence du déclin des croyances religieuses sur la moralité, et la question posée en fin de compte est de savoir si la moralité peut exister sans religion. Il ne sera pas difficile de répondre à cette question pour ceux qui comparent la conduite de ces tribus sauvages à celle des Européens durant l’ère chrétienne, remplie d’atrocités