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n’a rien de bas, dit Hunter, mais il pense que les gens qui manquent de charité souffriront après leur mort[1]. » Les Lepchas, dit Hooker, au plus épais des forêts ou sur les montagnes les plus désolées, sont toujours prêts à prêter leur secours, à porter les fardeaux, à dresser les tentes, à se mettre en quête, à faire cuire les aliments, et, ajoute-t-il, « ils encouragent le voyageur par le zèle discret qu’ils mettent à le servir ; ils se partagent un cadeau entre plusieurs sans une syllabe ou un regard de mécontentement[2]. » Les Jakuns, nous dit Favre, « sont généralement aimables, affables, enclins à la reconnaissance et à la bienfaisance : » leur penchant n’est pas de demander des faveurs, mais d’en accorder[3]. Enfin Kolff nous apprend que les pacifiques Alfarous « ont l’ambition très excusable de gagner la réputation d’hommes riches, en payant les dettes des habitants pauvres de leur propre village. Un fonctionnaire, M. Bik, me racontait un exemple très saisissant de cet usage. Il a vu à Affara, à l’élection du chef du village, deux individus qui aspiraient à la position d’Orang-Tua. On choisit le plus âgé, ce qui affligea beaucoup l’autre, mais il ne tarda pas à exprimer sa satisfaction du choix que le peuple avait fait, et dit à M. Bik, qui y était envoyé comme commissaire : « Quel motif de chagrin aurais-je ? Que je sois ou non Orang-Tua, je n’en garde pas moins les moyens d’assister mes compatriotes. Plusieurs vieillards furent de cet avis, apparemment, pour le consoler. Le seul emploi qu’un Alfarous fasse de ses richesses, c’est de les consacrer à aplanir des différends[4] » À l’appui de ces faits on peut en citer d’autres tirés d’ouvrages japonais publiés depuis que l’impression de ces articles est commencée. Signalons en passant le capitaine Saint-John, qui parle de la « bonté et de la bienveillance » des gens dans les « parties sauvages du Japon », où ils ne voyaient point d’Européens, et ajoute : « plus je m’éloignais des ports ouverts, plus je trouvais les gens polis de toute façon[5]. » Voyons le témoignage de miss Bird sur les Aïnos. Ils semblent être une race aborigène, qui s’est retirée devant une race d’envahisseurs, comme l’ont fait les tribus montagnardes de l’Inde. D’après cette dame, « ils n’ont aucune tradition de débats sanglants, et l’art de la guerre semble perdu chez eux depuis longtemps. » Ils sont « véridiques, doux, indulgents ; » quand l’incendie a détruit une maison, tous les hommes s’unissent pour la rebâtir. Ils sont d’une

  1. Hunter, Annals, etc., I, 217.
  2. Hooker, loc. cit., I, 175, 199.
  3. Favre, loc. cit., II, 266.
  4. Kolff, loc. cit., 164.
  5. Cap. St. John, Thewild coast of Nipon, 142.