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sont la cause de la structure militaire et qui la conservent, et quand s’établit la relation universelle du contrat sous l’empire de laquelle on associe les efforts en vue d’avantages réciproques, l’organisation sociale perd sa rigidité. Ce n’est plus le principe de l’hérédité qui détermine le rang ou l’occupation de chacun, c’est désormais le principe de la capacité ; enfin les changements de structure s’ensuivent quand les hommes, n’étant plus liés à des fonctions imposées, s’adonnent aux fonctions auxquelles ils se trouvent le plus propres. Facilement modifiable dans ses dispositions, le type social industriel est donc celui qui s’adapte le mieux aux exigences nouvelles.

L’autre résultat que nous avons à mentionner est une tendance à la perte de l’autonomie économique.

Tant que les relations hostiles continuent d’exister entre les sociétés voisines, il faut que chaque société se suffise ; mais, quand les relations pacifiques s’établissent, ce besoin de se suffire prend fin. De même que les divisions provinciales qui composent une de nos grandes nations étaient obligées, à l’époque des guerres intestines, de produire pour elles-mêmes à peu près tout ce dont elles avaient besoin, et qu’à présent, en paix durable les unes envers les autres, elles sont devenues si bien dépendantes les unes des autres, que nulle d’entre elles ne peut satisfaire ses besoins sans le secours de toutes les autres ; de même les grandes nations, forcées aujourd’hui de conserver leur autonomie économique, le seront moins quand la guerre s’amoindrira, et deviendront peu à peu nécessaires l’une à l’autre. Si, d’une part, les facilités accordées à certains genres de production rendent l’échange réciproquement avantageux, d’autre part, les citoyens de chaque société, sous le régime industriel, ne toléreront plus les obstacles que les prohibitions d’échange imposent à leur individualité.

Donc, quand le type industriel s’étend, il crée une tendance à la destruction des barrières qui séparent les nationalités et propage dans leur sein une organisation commune, qui se réalisera, sinon sous un seul gouvernement, au moins sous une fédération de gouvernements.

Maintenant que nous connaissons la constitution du type industriel d’après ses conditions, nous allons rechercher les témoignages fournis par les sociétés actuelles qui se rapprochent de la constitution en progressant vers l’industrialisme.

À l’époque où la terre se peuplait, la lutte pour l’existence entre sociétés, depuis les petites hordes jusqu’aux grandes nations, à sévi partout ; ce n’est donc pas là que nous devons chercher des exemples du type social approprié à une existence purement indus-