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V. BROCHARD. — la logique de j. stuart mill

des choses et non des idées. « Nous ne croyons, ni lui ni moi, qu’un attribut soit une chose réelle, objectivement existante ; nous croyons qu’il est un mode particulier de nommer nos sensations ou notre attente des sensations considérées dans leur relation à l’objet extérieur qui les excite. » Mais M. Spencer ne l’entend pas ainsi : « Je regrette de dire que, sur cette question générale, je diverge de M. Mill d’une façon qui rend impossible tout accord sur la question particulière. Car je crois que les choses énoncées dans les prémisses et la conclusion d’un syllogisme sont les existences objectives qui sont corrélatives à mes états subjectifs. Pour reprendre l’exemple de M. Mill, les « hommes » dont on parle dans la majeure, je prétends que ce sont des existences objectives séparées et non des retours d’une idée en moi. L’arrêt de la circulation dans chacun de ces hommes (qui est un phénomène sensible impliqué par le mot abstrait « mortel » ), je le regarde comme un changement qui se présente séparément dans chaque homme. Il y a autant d’arrêts distincts de la respiration qu’il y a d’hommes distincts. Je comprends que Socrate est une autre existence indépendante, semblable aux existences classées comme hommes. Et je considère l’arrêt de sa respiration comme un autre changement distinct numériquement des autres changements que les autres hommes ont présentés successivement, mais qui leur est semblable en nature[1]. »

Par suite, le syllogisme se réduit à une simple analogie. Tel qu’on l’entend d’ordinaire, « le syllogisme est une impossibilité psychologique… Le procédé mental qu’il sert à représenter est, non le procédé par lequel on atteint la conclusion, mais celui par lequel on la justifie. De là vient qu’on ne le parcourt pas tout entier, à moins qu’on n’ait besoin d’une justification. Tout le monde peut s’en convaincre en examinant comment se produisent les conclusions les plus familières. On vous dit que M. un tel, qui a quatre-vingt-dix ans, est en train de bâtir une nouvelle maison. Vous répondez immédiatement qu’il est absurde qu’un homme si près de sa mort fasse de tels préparatifs pour la vie. Mais comment venez-vous à penser à la mort de M. un tel ? Vous êtes-vous d’abord répété la proposition : Tous les hommes doivent mourir ? Rien de semblable. Certains antécédents vous amènent à penser à la mort comme un des attributs de M. un tel, sans penser d’abord que c’est là un attribut de l’humanité en général. Si quelqu’un ne considérait pas la folie de M. un tel comme démontrée, vous lui répondriez probablement : « Il doit mourir et bientôt, » sans même faire appel

  1. Princ. de psych., p. 63, note.