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V. BROCHARD. — la logique de j. stuart mill

Deux choses qui existent constamment avec une troisième coexistent entre elles, ou encore : Un signe du signe est un signe de la chose signifiée : nota notæ est nota rei ipsius[1].

II

La logique de Mill, on le voit, se rattache très-étroitement à diverses théories psychologiques soutenues par ce philosophe : il faudra donc, pour apprécier la valeur de cette logique, commencer par l’examen de la psychologie sur laquelle elle repose.

On doit d’abord accorder à Stuart Mill que nulle idée générale ne se présente à la conscience sans un cortège d’images concrètes ; mais il reste à savoir s’il n’y a jamais dans la conscience que ce cortège d’images. On peut à la rigueur distinguer deux sortes de généralisations. L’une, confuse et vague, ne consiste que dans le rapprochement et la juxtaposition de certaines images qui se détachent d’un tout concret dont elles font partie, sans autre raison qu’une habitude contractée : c’est celle que Mill a décrite. À vrai dire, nous généralisons souvent ainsi, et il est probable que les animaux ne généralisent pas autrement : c’est en ce sens du moins qu’on peut dire avec Stuart Mill qu’ils généralisent[2], Mais n’y a-t-il pas d’autres cas où, nous représentant les mêmes images de la même manière, nous avons en outre le sentiment, nous savons que ce sont les mêmes qui reparaissent chaque fois, qu’elles forment un tout, une classe ? Nous ne les pensons plus seulement alors comme juxtaposées, mais comme unies par un lien permanent, comme formant un groupe qui demeure le même à travers les divers moments du temps. Elles sont la matière du concept, mais il y a aussi une forme qui n’est pas moins nécessaire pour que le concept existe, il y a un type, une règle invariable d’après lesquels nous assemblons les diverses parties dont il se compose, qui survit aux assemblages que nous formons, qui est d’une autre nature et d’un autre ordre. Ce qui constitue le concept, ce n’est pas seulement le fait que les images apparaissent ensemble : c’est l’idée qu’elles forment une classe, un groupe ou genre défini, définitif et définissable. Il faut bien que nous ayons par devers nous une règle ou un type puisque, dans la définition, nous traçons les limites du concept, puisque nous repous-

  1. Log. II, 2, 3. Phil. de Hamilton, ch. XIX, p. 419.
  2. Phil. de Hamilion, ch. XVII, p. 378.