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qui constitue surtout l’attente fondée sur le passé), la croyance illusoire composée (représentations illusoires des choses, des autres, de nous-mêmes). Signalons d’excellentes pages (316-319) sur les illusions de l’amour-propre et sur l’estime exagérée que chaque homme a de lui-même.

Au début de cet article, nous avons fait remarquer que l’auteur s’est proposé de traiter son sujet d’une manière « strictement scientifique », Ce point mérite de nous arrêter un instant, On est tellement accoutumé, surtout chez nous, à faire de toute étude de psychologie une étude de philosophie, à confondre dans un mélange hétérogène les faits et les hypothèses, les descriptions et les doctrines, ce qu’on sait et ce qu’on ne peut pas savoir, l’explication par les causes secondes et l’explication par les causes premières, que la différence des deux procédés vaut la peine d’être signalée, Remarquons que M. Sully part ici, comme dans toute autre science, de certaines données généralement admises et dont il ne discute pas la valeur, Toute science, dit-il, assume certaines vérités sans les soumettre à un examen. Ainsi le physicien admet que, quand nous éprouvons une sensation, il y a un objet externe préexistant qui en est la cause ou au moins la condition. Il admet aussi somme le vulgaire certaines propriétés de la matière, la loi de la causalité universelle, etc. De même, la psychologie moderne, se restreignant à l’étude empirique de l’esprit, prend pour accordées à peu près les mêmes données que le physicien : ainsi l’existence d’une cause externe de nos sensations, l’existence de corps matériels dans l’espace, la loi de causalité, etc., (p. 344-345).

La psychologie associationniste, comme il le fait remarquer, dépasse à certains égards le point de vue scientifique : elle est même à strictement parler philosophique, parce qu’elle passe de la genèse des états de conscience à leur validité, de leur histoire à leur valeur objective (p. 355).

Quant à ce que les Allemands appellent la « théorie de la connaissance », c’est une question agitée depuis Platon et Aristote jusqu’à nos jours. « Mais la philosophie restant toujours une question, non une solution, nous n’avons pas lieu de nous en embarrasser » (p. 348).

Dans son étude sur les illusions, l’auteur s’en tient aux données de l’expérience ordinaire, et il montre que, quelque solution philosophique qu’on adopte, cela importe peu à l’explication purement empirique. Pour lui, en dépit des différences dans la forme, toutes les espèces de Connaissance immédiate sont au fond identiques. « Elle consiste essentiellement à réunir des éléments semblables ou dissemblables, associés par un lien de contiguïté, à les considérer comme parties intégrantes d’un tout. C’est une synthèse. Et l’illusion, sous toutes ses formes, est un groupement défectueux où une synthèse mal faite… Cette vue sur la nature et les causes de l’illusion peut être exprimée clairement en termes physiques : Un mauvais groupement des éléments psychiques est équivalent à une coordination imparfaite de leur condition phy-