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ANALYSES. — JAMES SULLY. On Illusions.

est d’ailleurs une acquisition relativement nouvelle de la race humaine ; elle fait des progrès, et l’on peut espérer qu’un temps viendra où ses chances d’erreurs seront infinitésimales (p. 209).

III. Les illusions de la mémoire sont rangées sous trois titres[1] :

1o Illusions dans la perspective du temps. Nous pouvons fausser la date des événements dent nous nous souvenons. Presque toujours nous nous trompons dans l’estimation rétrospective d’une durée.

2o Les déformations (distortions) de la mémoire. Par le fait d’oublis partiels, le passé se trouve transformé.

3o Les hallucinations de la mémoire. Ici, l’illusion est complète, puisque nous prenons pour une réalité de faux souvenirs, des souvenirs qui ne répondent à rien dans notre existence antérieure. Dans son étude sur les faux souvenirs ou, comme il les appelle, les « spectres de la mémoire », l’auteur, après les avoir rapportés à diverses causes, note que la science moderne suggère une autre explication possible. Ne peut-il pas arriver, par la loi de transmission héréditaire qui s’applique aussi bien aux phénomènes mentaux qu’aux phénomènes corporels, que de temps en temps des expériences ancestrales se reproduisent dans notre vie psychique et prennent l’apparence de souvenirs personnels ? C’est là une idée séduisante qui donnerait une base scientifique à la belle théorie de Platon. Mais, dans l’état actuel de nos connaissances, elle doit rester à l’état de pure hypothèse (p. 381).

L’auteur termine par quelques considérations intéressantes sur les illusions relatives à l’identité personnelle. C’est une grosse question qu’il m’a pas l’intention de traiter en passant ; mais il se rattache à l’opinion soutenue généralement par l’école expérimentale que le moi est une synthèse. « L’idée de mon moi comme persistant paraît composée de certaines ressemblances dans la succession de mes expériences, » et « notre image ordinaire de notre vie passée contient toujours une certaine dose d’illusion ».

IV. Le chapitre consacré aux illusions de la croyance nous à paru plus vague et moins complet que les autres. Notre connaissance, dit M. Sully, est présentative ou représentative. Celle-ci se divise également en deux catégories : 1o la mémoire, 2o toute représentation autre que la mémoire, « comprenant entre autres variétés nos anticipations de l’avenir, notre connaissance de l’expérience passée des autres, et notre connaissance générale des choses. Il n’y a pas de terme correspondant exactement à cette large sphère de la connaissance. Je propose de l’appeler croyance » (p. 294). L’auteur ne s’illusionne pas sur l’imperfection du terme choisi. Il n’en reste pas moins vrai qu’il embrasse des choses fort disparates et que par suite l’exposition de cette classe d’illusions est un peu confuse et languissante.

Elle est ramenée à deux divisions : la croyance illusoire simple (celle

  1. À cette section, l’auteur a ajouté un court chapitre sur les illusions esthetiques.