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comment la vie a pu se manifester à la surface de notre planète, et quelles lois ont présidé à la naissance et à la transformation des espèces animales qui s’y sont succédé.

« Comme couronnement de cette longue série de transformations successives, continuées pendant toute la durée des âges géologiques, l’homme est apparu un jour. Nous avons retrouvé ses traces dans la profondeur d’un passé dont les traditions avaient perdu le souvenir, mais dont les débris épargnés par le temps nous ont permis de reconstituer l’histoire.

« Nous avons vu que, à peine distinct d’abord des espèces animales dont la sélection le fit sortir, il ignorait toutes choses, l’agriculture, les métaux, l’art de rendre les animaux domestiques et n’avait que quelques pierres taillées pour armes…

« Nous avons recherché ensuite comment se forma sa constitution intellectuelle et comment les sentiments, ces puissants mobiles de toutes les actions humaines, avaient pu naître et se transformer…

« Il nous restait à rechercher l’origine et le développement des sociétés que l’homme a formées ; comment naquirent et se transformèrent la famille, la propriété, les religions, le droit, la morale, les institutions et les croyances ; et ce que répond la science dans son froid langage à tant de questions qui passionnent les esprits aujourd’hui et sont les plus graves de toutes celles qui peuvent s’offrir aux méditations des hommes…

« La nature de la science sociale, ses limites et sa méthode ayant été examinées d’abord, nous avons recherché l’influence, si négligée des historiens, de chacun des divers facteurs de l’évolution sociale (milieux ; intelligence et sentiments ; langage ; commerce et industrie, littérature et beaux-arts ; lutte pour l’existence et institutions militaires ; agriculture et accroissement de la population ; faculté d’adaptation ; grands hommes ; race ; hérédité ; religions ; gouvernements ; instruction). Sans leur connaissance, l’histoire d’une société ne saurait être comprise. » :

Par l’énumération rapide que je viens de faire des facteurs de la science sociale, on voit que M. Le Bon touche à tout. Prenons un seul exemple : le chapitre de l’instruction. C’est l’un des rares facteurs dont l’homme dispose et dont, d’après l’auteur, il ne faut cependant pas exagérer la puissance. Or, à son occasion, il passe en revue tous les degrés de l’enseignement, primaire, secondaire, supérieur ; il examine les méthodes, les juge en quelques mots, compare la valeur éducatrice de la grammaire et des sciences naturelles, combat l’enseignement classique, voudrait supprimer le grec et le latin et le remplacer par les langues modernes, examine la situation de l’enseignement supérieur dans plusieurs pays, et se plaint de la décadence des hautes études en France. Que de questions ne soulève-t-il pas en quelques pages ! Pour critiquer un pareil livre, il faudrait des volumes. Notons pourtant que M. Le Bon ne se borne pas à faire connaître son, opinion,