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ANALYSES. — G. LE BON. L’homme et les sociétés.

per : de là bien des aperçus fins et ingénieux, mais aussi plus d’une témérité en physiologie, en métaphysique et en psychologie. Il charme et il entraine par un style facile, ingénieux, plein de verve, de traits brillants, d’images heureuses. Le seul reproche à lui faire est l’emprunt non justifié de termes en honneur dans la psychologie allemande ou anglaise et l’abus de certains mots scientifiques, tels que, par exemple, pour n’en pas citer d’autres, la statique, la dynamique, la cinématique subjective. Nous sommes d’autant plus en droit de lui faire ce reproche que lui-même à plusieurs reprises, il proteste au nom de notre bonne langue et des vieilles expressions bien claires et bien françaises contre le néologisme psychologique du jour, contre les emprunts à une terminologie étrangère ou à la langue des sciences physiques, contre cette épidémie qui, dit-il, nous gagne, de la confusion des langues.

Malgré toutes ces réserves et toutes ces critiques, nous croyons que le livre de M. Bertrand tiendra sa place dans l’histoire et dans les progrès de la psychologie contemporaine.

Francisque Bouillier,
de l’Institut.

Dr Gustave Le Bon.L’homme et les sociétés, leurs origines et leur histoire, Paris, 1881. 2 vol. in-8o.

Bien que ce livre ait déjà un an de date, il n’est pas trop tard d’en parler. C’est un ouvrage de vulgarisation, et il est destiné, malgré le développement incessant des sciences anthropologiques, à conserver pendant de longues années encore tout son intérêt. L’auteur est doué d’un rare talent d’exposition : il possède l’art de condenser sa matière, de la circonscrire et de la mettre dans son cadre. Il procède avec ordre et méthode, et par là il s’épargne les répétitions si difficiles à éviter dans ces sortes d’ouvrages ; il fait un sobre usage des chiffres, et ceux qu’il cite, réduits à leur plus simple expression, démontrent nettement ce qu’il a en vue. En un mot, quoique le sujet lui ait imposé un incalculable travail de compilation, il a su le traiter d’une manière propre et originale, il y a mis une puissante unité et lui a donné le plus vif attrait.

Le titre est parfaitement justifié : c’est vraiment une histoire de l’homme et des sociétés humaines que l’auteur nous présente. Quel champ immense ! et il l’a cependant parcouru en entier. Il prend soin lui-même de résumer son livre. Je ne puis mieux faire que d’emprunter ses paroles :

« Remontant d’abord à l’origine des choses, nous avons essayé de comprendre comment a pu naître et se développer cet immense univers dont l’homme et tous les autres êtres ne sont que des fragments ;