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réalisation physiologique, à cette démonstration expérimentale des plans idéaux et de la théorie de Kant.

Ces divisions principales établies, l’âme, par la combinaison de la sensation et de l’effort, par une éducation progressive du sens du corps, parvient à situer les principaux organes et à localiser dans certains sièges ses diverses sensations, Le mouvement, un par ses origine, multiple par les diverses positions du mobile, sert, dit-il, de moyen terme entre l’unité de l’âme et la multiplicité du corps. Stahl avait attribué le même rôle au mouvement : motu utique omnia sua agit anima. Le sens vital, comme les sens externes, est susceptible d’attention. Rien ne le prouve mieux que les longues et minutieuses descriptions et analyses de son mal, et de toutes les parties où il le sent, dans lesquelles le malade se complaît. Ainsi nous savons tous, sans avoir mis le pied dans un laboratoire, sans avoir assisté à des dissections, que nous avons un cœur, des poumons, un estomac et même un cerveau. Nous connaissons le cerveau par la résistance qu’il oppose à la formation et à l’élaboration de la pensée. Il est vrai, suivant une juste et ingénieuse remarque de l’auteur, que, le cerveau étant l’instrument de la pensée, la fatigue même par laquelle il se révèle à nous devient un obstacle à l’observation subjective que nous pouvons en faire. C’est la céphalalgie, surtout quand elle est partielle et qu’elle se déplace, qui nous permet, en se localisant dans ces diverses régions, dé sonder du dedans la masse cérébrale, La circulation elle-même ne nous échappe pas ; nous sentons le sang qui afflue à la tête ou qui bat dans nos veines, L’étude de la circulation du sang incombe, dit-il, aux psychologues non moins qu’aux médecins. Chacun encore ne localise-t-il pas la faim ou la soif ? L’homme du vulgaire se trompe sans doute sur les noms ; il les dénature ou les confond, dans son ignorance de la nomenclature scientifique ; mais, s’il se trompe sur les noms, il ne se trompe pas sur les choses ; il ne prend pas l’estomac pour le cœur ou le cœur pour les poumons.

Toutefois l’auteur reconnaît qu’il ne faut rien exagérer, et que cette Connaissance intérieure du corps demeure nécessairement renfermée dans certaines limites au delà desquelles il n’y a rien à lui demander, sans l’abuser sur sa nature et sa portée. Nous localisons, mais d’une manière imparfaite, les sensations dont le siège est intérieur, parce que ni le toucher ni la vue ne peuvent aider le sens du corps et lui servir de contre-épreuve, Quelque attentif que soit le sens vital, il ne saurait dispenser de l’anatomie et de la physiologie. Nous n’en apprendrons rien sur la composition des organes, sur les fibres, sur les cellules, sur la structure du cerveau qui est encore si obscure et qui est l’objet de tant de romans physiologiques. Combien, dit M. Bertrand, le cerveau, qu’on veut nous donner comme la base de la psychologie, n’est-il pas moins connu que l’âme elle-même ?

Non seulement le sens du corps se démontre par son activité et par ses perceptions normales, mais aussi, comme tous les autres sens, par