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ou d’une figure quelconque. Mais Stuart Mill se refuse décidément à définir le syllogisme la conclusion du général au particulier ; il veut que la conclusion ne soit pas contenue dans les prémisses, mais qu’elle s’y ajoute, qu’elle soit une inférence du particulier au particulier, et cela, M. Janet, au contraire, ne le veut pas.

Soit le syllogisme vulgaire dont la conclusion est que Socrate est mortel. En voici, selon Mill, la véritable théorie : A, B, C,… N sont morts ; or Socrate ressemble à A, B, C… N ; donc Socrate mourra. Le procédé d’inférence du particulier au particulier est visible, en effet, dans la majeure. Toutefois, la règle constante du syllogisme exige que la majeure, qu’elle repose sur une base d’inférences plus ou moins large, soit une affirmation générale, et peu importe comment nous l’avons formée. Néanmoins, Mill prétend que la conclusion n’est qu’une nouvelle inférence, et la formule générale du syllogisme serait celle-ci :

L’attribut A est une marque de l’attribut B.

L’objet donné a la marque A.

Donc l’objet donné a l’attribut B.

Au premier abord, il semble que cette formule ne diffère pas essentiellement de la formule aristotélique : Tout B est C, tout A ou quelque A est B, donc tout A ou quelque A est C. Et cependant elle est toute différente ; car, dans la pensée de Mill, l’objet donné est de la classe A par supposition, tandis que, dans la formule classique, tout A est C expressément. Le logicien anglais assimile, sans y prendre garde, l’expression syllogistique à l’opération intellectuelle, et il ne voit pas que les conditions de l’une ne sont pas celles de l’autre.

Le syllogisme, dans la théorie classique, c’est une déduction pure. Le syllogisme, selon Mill, c’est, pour me servir d’une expression heureuse de Claude Bernard (Introd. à l’étude, etc., p. 77 et suiv.), une déduction provisoire, qui réclame la vérification expérimentale. « Nous déduisons toujours par hypothèse, disait Claude Bernard, quand nous induisons, » D’ailleurs, il y a toujours syllogisme, soit que l’on tire la conclusion de la formule (déduction d’Aristote), soit que l’on conclue conformément à la formule (déduction provisoire de Mill). Seulement, dans le premier cas, la proposition est identique ; au lieu que, dans le second cas, la formule indique, en quelque sorte, l’opération à effectuer pour que la proposition devienne parfaite.

En effet, ne l’oublions jamais, les procédés qui font la certitude des prémisses sont en dehors du syllogisme, qui n’est qu’une expression logique ; ils lui sont antérieurs, ou, il convient de l’ajouter, postérieurs. Et c’est ce que Mill est conduit à avouer, sans voir la portée de cet aveu, quand il soutient, contre ceux qui veulent que l’assertion la plus restreinte soit prouvée par la plus large, que « les deux assertions sont l’une et l’autre fondées sur la même preuve, à savoir les faits au sujet desquels l’assertion a été faite et par lesquels elle doit être justifiée, »

M. Janet cite une page d’Ueberweg, où sont exposés des exemples de syllogisme « qui fortifient mon explication. Si nous concluons, dit ce