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HERBERT SPENCER. — la société militaire

c’est le bill qui institue une inspection générale de bibliothèques publiques locales ; c’est le projet d’assurance obligatoire, où l’on voit d’une façon instructive comment la politique régulative gagne du terrain. La charité obligatoire a engendré l’imprévoyance ; aussi propose-t-on pour remède à l’imprévoyance l’assurance obligatoire. Des effets du penchant vers les institutions appartenant au type militaire se révèlent dans l’accroissement de la demande de certaines formes de protection, et dans les lamentations que poussent les feuilles mondaines à propos de la désuétude du duel. Dans le parti même qui par position et par fonction est hostile au militarisme, nous voyons que la discipline militaire gagne en prestige ; en effet, le système des caucus, établi pour donner au libéralisme une meilleure organisation, a nécessairement pour effet de centraliser plus ou moins l’autorité et de diriger l’action de l’individu.

Non seulement nous voyons que les traits donnés à priori comme caractères du type militaire existent constamment dans des sociétés qui sont d’une façon permanente très militantes, mais nous voyons aussi que dans d’autres sociétés l’accroissement de l’activité militaire s’accompagne du développement de ces traits.

Tantôt j’ai affirmé, et tantôt j’ai admis implicitement l’existence d’une relation nécessaire entre la structure d’une société et la nature de ses membres. Il est bon d’examiner en détail les caractères qui appartiennent en propre aux membres d’une » société militaire type, et qu’ils manifestent habituellement.

Toutes choses égales, une société sera heureuse à la guerre selon que ses membres seront doués de vigueur corporelle et de courage. En somme, parmi les sociétés en lutte, on verra survivre et grandir celles où les facultés physiques et mentales requises pour les combats sont non seulement plus marquées, mais aussi plus honorées. Les sculptures et les inscriptions d’Assyrie et d’Égypte nous offrent la preuve que la vaillance était estimée la vertu par excellence et la plus digne de mémoire. Grote remarque que les mots bon, juste, etc., pour les anciens Grecs, « voulaient dire l’homme de naissance, de richesse, d’influence, d’audace, dont le bras est fort pour détruire et pour protéger, quoi qu’il en puisse être de ses sentiments moraux, tandis que l’épithète opposée, mauvais, désigne l’homme pauvre, de basse extraction, faible, dont les penchants, fussent-ils toujours vertueux, ne sont pas pour la société des objets d’espérance ou de crainte. »

La synonymie des mots vertu et bravoure chez les Romains nous a donné à penser la même chose. Durant les époques tourmentées du commencement de l’histoire de l’Europe, le caractère chevale-