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on peut remarquer l’assimilation toujours plus grande de l’armée des volontaires à l’armée régulière ; on va maintenant jusqu’à demander de les employer hors du territoire, de sorte que, au lieu de l’action défensive pour laquelle cette armée a été créée, on pourrait s’en servir pour l’offensive. Nous pouvons aussi remarquer que la tendance qui se manifestait dans l’armée de quitter le caractère militaire toutes les fois que c’était possible, en mettant des habits civils, se trouve aujourd’hui arrêtée par l’ordre donné aux officiers des villes de garnison de porter l’uniforme quand ils sont hors de service, ce qui a lieu dans la plupart des Etats militaires. Je ne saurais dire si depuis la date précitée, 1876, l’usurpation des fonctions civiles par des militaires s’est accrue : en 1873-1874, il y avait déjà 97 colonels, majors, capitaines ou lieutenants, employés comme surveillants de classes de sciences ou de lettres ; mais il est évident que l’esprit et de la discipline militaires ont envahi dans la police, dont les agents mettent des chapeaux en forme de casque, portent des revolvers et se considèrent comme des soldats, au point d’appeler civils les habitants de la ville et, dans certains cas, d’exercer sur eux une surveillance militaire. N’a-t-on pas vu le chef de la police de Birmingham, le major Bond, suivre chez eux des gens dont la boisson avait rendu la marche vacillante, mais qui étaient paisibles, et les poursuivre le lendemain ? Dans les rues de Londres, on voit les agents de police commander le mouvement des voitures dans les rues, en cas de rencontre de deux courants en sens inverse. Le pouvoir exécutif a grandement empiété sur d’autres organes gouvernementaux, en Chypre par exemple, et dans l’Inde, où le vice-roi n’agit plus que d’après les instructions secrètes venues de la métropole. On voit d’autres efforts pour affranchir les fonctiontionnaires|fonctionnaires}} des freins imposés par la liberté populaire : par exemple le vœu exprimé à la Chambre des lords pour que les exécutions dés condamnés eussent lieu dans les prisons par les soins exclusifs de l’autorité, et sans autre témoin ; par exemple encore l’avis donné par un secrétaire de l’intérieur, le 11 mai 1878, au Conseil de la ville de Derby de n’avoir pas à intervenir auprès du premier constable fun militaire) dans la direction de la force placée sous les ordres de ce fonctionnaire, avis qui est un pas vers la centralisation de la police locale dans les mains du ministre de l’intérieur. En même temps nous voyons réaliser ou projeter d’autres formes d’extension des pouvoirs publics, pour remplacer ou restreindre l’action privée : c’est par exemple « la dotation des recherches », qui se prélevait déjà en partie sur les fonds de l’État et qu’on veut voir augmenter ; c’est le projet de loi d’immatriculation des professeurs autorisés ;