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qui voyageaient sans permission subissaient la peine des vagabonds. Pour ceux qui voyageaient avec des missions officielles, il y avait des établissements où ils trouvaient le gite et le nécessaire. « C’était le devoir des décurions de veiller à ce que les gens fussent vêtus ; » des règlements fixaient le genre de vêtement, de décoration, d’insignes, etc., que les gens des divers rangs devaient porter. Outre la réglementation de la vie extérieure, il y en avait une de la vie intérieure. Les gens étaient obligés « de diner et de souper les portes ouvertes, afin que des juges pussent entrer librement, » pour voir si la maison, les vêtements, le mobilier, etc., étaient tenus en bon ordre et propres, et si les enfants étaient convenablement élevés : on fouettait les gens qui tenaient mal leur maison. Soumis à cette règle, le peuple travaillait à soutenir cette savante organisation d’État. Les classes politiques, religieuses et militaires, à tous les grades, étaient exemptes de tribut ; tandis que la classe ouvrière, qui ne servait pas dans l’armée, devait produire tout ce qui était nécessaire au delà de leur propre entretien. Un tiers du territoire de l’empire était assignée à l’entretien de l’État, un tiers à l’entretien du clergé, ministres du culte des mânes des ancêtres ; le reste était destiné à l’entretien des travailleurs. Non seulement les travailleurs payaient le tribut en cultivant les terres du Soleil et du roi ; mais ils étaient tenus de cultiver celles des guerriers au service, aussi bien que celles des incapables. Ils avaient en outre à payer un tribut de vêtements, de souliers et d’armes. Sur les terres destinées à l’entretien du peuple lui-même, on donnait à chacun une part proportionnée au nombre des membres de sa famille. Il en était de même du produit des troupeaux. La moitié, qui n’était pas, dans chaque district, prélevée pour les besoins publics, était tondue périodiquement, et des fonctionnaires étaient chargés d’en partager la laine, C’était l’application du principe que « la propriété privée de chacun dépendait de la faveur de l’Inca ; et, d’après la loi du pays, personne n’avait de titre à la posséder en propre. » Ainsi, les gens, complètement réduits à l’état de propriété de l’État dans leur personne, leur bien et leur travail, transportés dans telle ou telle localité suivant les ordres de l’Inca, et, quand ils ne servaient pas dans l’armée, assujettis à une discipline semblable à celle de l’armée, étaient des unités d’un mécanisme centralisé à l’image d’un régiment, agissaient toute leur vie le plus possible d’après la volonté de l’Inca, et le moins possible d’après la leur. Naturellement, avec une organisation militaire poussée aussi loin, toute autre espèce d’organisation faisait complètement défaut. On n’avait pas d’argent ; « on ne vendait jamais ni les vêtements, ni les maisons, ni les domaines ; »