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HERBERT SPENCER. — la société militaire

vent mettre à mort des victimes humaines pour envoyer des messagers dans l’autre monde, et que dans certaines occasions on immole un grand nombre d’individus pour fournir de serviteurs un roi mort. Ces faits prouvent qu’au Dahomey la vie, la liberté, la propriété de chacun est à la disposition de l’État, représenté par son chef. Dans l’organisation civile, aussi bien que militaire, les centres et les sous-centres de gouvernement sont nombreux. « À chaque promotion de rang, on Change de nom, on prend à la place de l’ancien un surnom nouveau que le roi lui-même donne généralement. L’enrégimentation descend tellement dans les détails que la liste des « dignités paraît interminable ». Les lois somptuaires y sont nombreuses. Selon Waitz, personne n’y porte d’autres vêtements ou d’autres armes que ceux que le roi lui permet de porter. Sous peine d’être réduit en esclavage ou mis à mort, « personne ne peut changer la construction de sa maison, s’asseoir sur une chaise, se faire porter en palanquin, ni boire à un verre, sans la permission du roi. »

L’ancien empire péruvien, lentement établi par les Incas conquérants, peut servir d’exemple après le Dahomey. Le chef de cet empire, issu des dieux, sacré, absolu, était le centre d’un système qui régissait minutieusement toute la vie. Son autorité était à la fois militaire, politique, ecclésiastique, judiciaire ; et la nation entière se composait de ceux qui, soldats, travailleurs, fonctionnaires, étaient ses esclaves et ceux de ses ancêtres divinisés. Le service militaire était obligatoire pour tous les Indiens imposables, qui pouvaient porter les armes ; ceux qui avaient servi le temps prescrit formaient des réserves et devaient travailler sous la surveillance de l’Etat. L’armée comptait des chefs de dizaines, de cinquantaines, de centaines, de mille, de dix mille hommes, et obéissait toute à un général en chef du sang des Incas. La société tout entière était soumise à une enrégimentation analogue : les habitants enregistrés par groupes, étaient placés sous les ordres d’officiers de dizaines, de cinquantaines, de centaines, etc. C’est par ces degrés successifs que les rapports montaient jusqu’aux Incas gouverneurs des grandes provinces, pour passer de leurs mains dans celles de l’Inca suprême ; tandis que les ordres de celui-ci « descendaient de rang en rang jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus au dernier. » Il y avait au Pérou une organisation ecclésiastique tout aussi savante ; il existait par exemple cinq classes de prêtres. Il y avait aussi une organisation d’espions pour surveiller et rapporter les actes des fonctionnaires. Tout était soumis à l’inspection officielle. Des fonctionnaires de villages surveillaient les labours, les semailles et la récolte. Quand la pluie manquait, l’État fournissait aux agriculteurs des quantités d’eau mesurées. Tous ceux