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HERBERT SPENCER. — la société militaire

citifs, au point même d’aller dans certains cas jusqu’au meurtre de ceux de leurs membres qui désobéissent.

Un autre fait à noter, c’est qu’une société du type militant tend à créer une organisation d’entretien capable de se suffire à elle-même. À côté de son autonomie politique marche ce que nous pourrions appeler une autonomie économique. Évidemment, dans la mesure où une société militaire soutient de fréquentes guerres contre les sociétés qui l’entourent, les relations commerciales avec elles se trouvent gênées ou empêchées. L’échange des richesses ne peut se faire que sur une petite échelle entre ceux qui passent leur vie à se battre. Une société militaire doit donc, autant que possible, se pourvoir chez elle des articles nécessaires à l’entretien de la vie de ses membres. Un état économique semblable à celui qui existait durant les temps féodaux primitifs, alors que, en France par exemple, « on fabriquait dans les châteaux la presque totalité des articles qu’on y consommait, » un tel état s’impose évidemment à des groupes petits où grands, qui sont en hostilité constante avec les groupes environnants. S’il n’existe pas déjà, dans le groupe placé dans ces conditions, un organe pour produire un certain article nécessaire, l’incapacité où est le groupe de se le procurer au dehors, mène à L’établissement d’un organe pour se le procurer au dedans.

Il suit de là que le désir « de ne pas être sous la dépendance d’étrangers, » est propre au type social militaire. Tant qu’il y a du danger de voir intercepter l’importation des choses nécessaires par suite du commencement des hostilités, il y a une nécessité impérieuse de conserver la faculté de produire ces articles chez soi et d’y conserver les appareils requis pour cette production. Aussi existe-t-il une relation directe manifeste entre les fonctions militaires et une politique protectionniste.

Maintenant que nous avons énuméré les caractères que l’on peut s’attendre à voir dominer grâce à la survie des plus aptes durant la lutte pour l’existence entre les sociétés, examinons comment ces caractères se montrent dans les sociétés réelles semblables, au point de vue du militarisme, mais dissemblables à d’autres égards.

Naturellement dans les petits groupes primitifs, si belliqueux qu’ils puissent être, nous ne devons pas chercher autre chose que l’ébauche grossière de la structure propre au type militaire. Leur agrégation est lâche ; aussi leurs parties ne peuvent-elles pas recevoir des arrangements très définis. Néanmoins, jusqu’ici les faits montrent qu’il en est ainsi. Il n’est pas besoin d’exemple pour mettre en lumière ce fait bien connu que d’ordinaire le corps des combattants comprend toute la population masculine adulte. Un fait tout