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En sorte que l’action corporative, la combinaison, la cohésion, l’enrégimentation que le militarisme, s’il est efficace, nécessite, implique une structure qui résiste fortement au changement.

Un autre caractère du type militaire, qui marche naturellement avec le dernier, c’est que les organisations autres que celles qui font partie de celle de l’État, sont réprimées en partie ou en totalité. La combinaison publique, occupant tous les domaines, s’oppose aux combinaisons privées.

Pour le succès de l’action corporative complète, il faut, comme nous l’avons vu, une administration centralisée, non seulement dans la partie combattante, mais dans la non combattante : or, lorsqu’il existe des associations de citoyens qui agissent avec indépendance, elles diminuent d’autant le domaine de l’administration centralisée. Tout appareil qui ne fait pas partie de la structure de l’État a plus ou moins pour effet de limiter l’action de celle-ci et s’oppose comme un obstacle à la subordination illimitée réclamée par l’État. Si les combinaisons privées sont autorisées, c’est à la condition de se soumettre à une réglementation officielle qui restreigne beaucoup son indépendance ; du moment que les combinaisons privées soumises à la réglementation officielle se trouvent empêchées de rien faire qui ne soit pas conforme à la routine officielle, et par suite de progresser, elles ne peuvent d’ordinaire ni prospérer ni grandir. Évidemment ces combinaisons, fondées sur le principe de la coopération volontaire, sont incompatibles avec le type social formé sur le principe de la coopération obligatoire. C’est ce qui fait que le type militaire a pour caractère l’absence, ou la rareté relative, de corps de citoyens associés en vue d’opérations commerciales, de propagande religieuse, d’œuvres philanthropiques, etc.

Il existe cependant des combinaisons privées compatibles avec le type militaire : ce sont celles qui se forment pour des motifs secondaires d’attaque ou de défense. Nous connaissons par exemple les factions, très communes dans les sociétés militaires ; des associations qui prennent la forme des guildes primitives, créées en vue de protection mutuelle ; enfin celles qui revêtent la forme de sociétés secrètes. On peut remarquer que ces corps remplissent sur une petite échelle des fins semblables à celles que la société dans sa totalité atteint sur une grande échelle, c’est-à-dire des fins de conservation ou d’agression, ou les unes et les autres à la fois. On peut remarquer en outre que ces petites sociétés inclues dans la grande sont organisées sur le même principe que celle-ci, celui de la coopération obligatoire. Le gouvernement de ces petites sociétés sont coer-