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travail se fait sous une autorité coercitive, dont la surveillance s’étend partout.

Supposer qu’un chef militaire despotique qui applique chaque jour la tradition héréditaire de l’autorité régimentaire, comme la seule forme de gouvernement qu’il connaisse, n’imposera pas aux classes productrices une autorité analogue, c’est lui supposer des sentiments et des idées entièrement étrangères au milieu où il s’est formé.

Une observation qui éclairera encore mieux la nature du régime militaire, c’est qu’il est à la fois positivement et négativement régulatif. Il ne se borne pas à réprimer, il impose. Outre qu’il dit à l’individu ce qu’il ne faut pas faire, il lui dit aussi ce qu’il faut faire.

Il n’est pas nécessaire d’avancer des faits pour montrer que tel est le caractère du gouvernement d’un corps combattant. À la vérité, les commandements du genre positif que reçoit le soldat sont plus importants que ceux du genre négatif : c’est le premier genre qui règle le combat, c’est le second qui maintient l’ordre. Seulement ce que nous avons à remarquer ici, c’est que ce caractère n’est pas seulement celui du gouvernement de la vie militaire, mais aussi celui du gouvernement de la vie civile, sous le régime militaire. Le pouvoir gouvernemental a deux moyens d’agir sur l’individu. Il peut simplement limiter les actions de l’individu à celles qu’il, peut faire sans agression, directe ou indirecte, contre autrui, et dans ce cas l’action du gouvernement est négativement régulative. Ou, faisant davantage, il peut prescrire la manière, le lieu, le moment, des actions quotidiennes de l’individu ; il peut le contraindre à faire diverses choses qu’il ne ferait pas spontanément ; il peut diriger en descendant plus ou moins dans le détail la manière de vivre de l’individu, auquel cas l’action gouvernementale est positivement régulative. Sous le régime militaire, cette action positivement régulative est étendue et impérative. Le civil est dans une condition aussi semblable à celle du soldat que le [illisible]rmet la différence de leurs occupations.

C’est encore une autre façon d’exprimer que le principe fondamental du type militaire est la coopération obligatoire. La coopération obligatoire est évidemment le principe auquel sont soumises les actions du corps combattant ; ma il n’est pas moins certain que ce doit être aussi le principe d’après lequel agit sans cesse et partout le corps non combattant, si l’on veut que l’action militaire donne de grands résultats ; autrement l’aide que le corps non combattant doit tournir, ne saurait être assurée.

L’union étroite qui relie les unités d’une société militante, et en