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b. Intensité. — L’oreille a une sensibilité extraordinaire pour les variations de l’intensité. Tout le monde a pu observer une inégalité très marquée dans les coups frappés par le balancier d’une pendule, lors même que la différence de niveau des pieds est absolument imperceptible à l’œil et encore plus au toucher. Les appareils comme le téléphone et le photophone sont venus fournir une nouvelle preuve de la perfection de l’appareil auditif sous ce rapport. Il a été impossible, par les moyens les plus perfectionnés d’amplification dont on dispose, de rendre sensibles à l’œil les vibrations des plaques ou membranes de ces instruments, bien que ces vibrations donnent naissance à des sons très nettement perceptibles.

En musique, l’oreille apprécie donc avec une précision extraordinaire le retour des temps forts dans les divisions et les subdivisions de la mesure.

    plexes, formés d’un son principal accompagné d’harmoniques, dont les nombres de vibrations sont des multiples du nombre de vibration du son fondamental. Désignons par un son donné et par son premier harmonique. Après avoir chanté , chantons le son à l’octave  ; nous constaterons qu’il y a dentité entre et  ; la distance, ou plutôt la différence au point de vue de la hauteur entre et est exactement égale à la différence de même ordre , et . De même, chantons nous entendrons son premier harmonique et nous pourrons constater qu’il coïncide avec la double octave de . En d’autres termes, la différence peut donc être considérée comme renfermant deux fois la différence La différence entre le son fondamental et son premier harmonique fait donc ici l’office d’une véritable unité de mesure qui, reportée, à la suite d’elle-même, un certain nombre de fois, nous fournit une série de sons reliés au premier par une parenté si étroite qu’elle confine à l’identité. Au point de vue de cette qualité du son qui s’appelle la hauteur, les intervalles sont donc des quantités mesurables, et mesurables avec une précision extraordinaire. En prenant le quart de ton comme la limite de la différence entre deux sons perçus par l’oreille la moins exercée, et en choisissant l’intervalle d’octave pour unité, on voit que l’auditeur, même non musicien, apprécie les distances respectives des sons à moins de 0,04. Pour une oreille exercée, la limite de l’erreur d’appréciation peut descendre jusqu’à 0,01 et au-dessous.

    Dans le mouvement oculaire le report de l’unité de mesure est altéré par la déformation angulaire résultant de l’accroissement de distance. Dans le mouvement sur la gamme, au contraire, les variations de hauteur sont toujours appréciées avec la même précision, quelle que soit la région considérée.

    Ce qui donne quelque vraisemblance à la présente explication, c’est que dès que, pour une raison ou pour une autre, la sensation des harmoniques cesse de se produire, la notion même de hauteur s’affaiblit et peut disparaître complètement. Avec des sons de diapasons graves, Bons presque absolument simples, un des musiciens les mieux doués de notre époque, M. C. Saint-Saens, a pu se tromper d’une tierce dans l’appréciation d’un intervalle.

    Dans les passages très rapides, l’oreille est beaucoup moins difficile sur la justesse, parce que la sensation des harmoniques n’a pas le temps d’être ressentie. Dans la voix parlée enfin, les sons, pour la plupart voisins les uns des autres, durent encore moins que les notes les plus rapides de la musique. Il est donc tout simple que la notion de leur hauteur nous échappe.