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HERBERT SPENCER. — la société militaire

sociétés où les conditions soient égales à tous les autres égards, la première assujettit ses travailleurs à ce service, tandis que dans la seconde les travailleurs jouissent du droit de retenir pour eux le produit de leur travail, ou plus qu’il n’est nécessaire à leur propre entretien, il arrivera que dans cette dernière société, les guerriers n’étant point entretenus, ou l’étant moins complètement que dans l’autre, auront à pouvoir eux-mêmes à leurs besoins, et se trouveront par là moins propres aux fins de guerre. Par suite, dans la lutte pour l’existence entre ces deux sociétés, il arrivera habituellement que la première vaincra la seconde. Le type social produit par la survie du plus apte, sera le type ou la partie combattante comprend tout ce qui est en état de porter les armes, et à qui l’on en peut confier, tandis que le reste sert simplement à titre d’intendance.

Une conséquence évidente, dont nous ferons plus loin remarquer l’importance, c’est que la partie non combattante, occupée à entretenir la partie combattante, ne saurait s’accroitre au delà de la limite en deçà de laquelle elle remplit utilement son rôle, sans que cet accroissement soit dommageable pour la force de conservation de la société. En effet, dans ce cas, des individus qui pourraient jouer le rôle de combattants demeureraient des travailleurs superflus, et la force militaire de la société resterait au-dessous de ce qu’elle ne pourrait être. Par suite, dans le type militaire, la tendance des corps des guerriers est de se maintenir en face du corps des travailleurs dans la plus forte proportion qu’il leur est utile de conserver.

Soit deux sociétés dont les membres sont tous où guerriers ou pourvoyeurs des besoins des guerriers, et toutes choses égales d’ailleurs, la supériorité à la guerre appartiendra à celle dans laquelle les efforts de tous sont combinés de la manière la plus efficace. Dans la lutte ouverte, l’action combinée triomphe de l’action individuelle. L’histoire militaire est l’histoire des succès des hommes dressés à se mouvoir et à combattre de concert.

Non seulement il doit y avoir dans la partie combattante une combinaison qui permette de concentrer les forces de ses unités, mais il en faut une qui coordonne avec la première la partie assujettie au service. Si ces deux parties sont séparées de manière à pouvoir agir avec indépendance, les besoins de la partie combattante ne seront pas suffisamment satisfaits. S’il est dangereux pour une armée d’être coupée d’une base temporaire d’opérations, il l’est encore davantage quand c’est de la base permanente, à savoir de celle que constitue le corps des non-combattants. Il faut que ce corps soit lié à celui des combattants, de sorte que ses services rendent le plus possible. Il est donc évident que le développement du type militaire