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LA SOCIÉTÉ MILITAIRE[1]


Les articles précédents nous ont facilité les moyens de construire les notions des deux genres d’organisation politique que séparent des différences radicales, l’an qui convient à la vie militaire, l’autre à la vie industrielle. Ce sera une chose instructive que de disposer dans un ordre systématique les traits du type militaire que nous avons déjà signalés incidemment, et d’y ajouter divers autres caractères subordonnés. Dans l’article suivant, nous traiterons de même des caractères du type industriel.

Durant l’évolution sociale, on voit ces deux ordres de caractères se mêler. Mais, dans la théorie comme dans les faits, il est possible de suivre avec toute la clarté désirable les caractères opposés qui distinguent chacune des deux organisations dans son développement complet. C’est surtout la nature essentielle de l’organisation qui accompagne l’état militaire chronique, dont on peut prévoir à priori et constater à posteriori l’existence dans un grand nombre de cas. La nature essentielle de l’organisation qui accompagne l’industrialisme pur, dont l’expérience ne nous a encore appris que peu de chose, s’éclairera par opposition ; et nous apercevrons des exemples qui montrent un progrès vers cet état social.

Dans nos conclusions, nous devrons nous prémunir contre deux causes d’erreur. Nous avons à nous occuper de sociétés composées et recomposées à des degrés divers ; de sociétés qui diffèrent par la phase de civilisation où elles sont parvenues, et dont l’organisation est plus où moins avancée. Nous serions donc exposés à nous tromper si, dans nos comparaisons, nous ne tenions pas compte des dissemblances dans la grandeur et la civilisation. Evidemment, les caractères distinctifs du type militaire que l’on peut observer chez une grande nation peuvent ne pas se présenter chez une horde de sauvages, encore que cette horde soit aussi militante que la grande nation. De plus, comme les institutions mettent beaucoup de temps à acquérir leurs formes définitives, il ne faut pas s’attendre à ce que

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.