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CRITIQUE DE LA MORALE KANTIENNE


(FIN)
LA DÉTERMINATION DU DEVOIR
ET LE RAPPORT DU MONDE SENSIBLE AU MONDE INTELLIGIBLE

I

le symbolisme moral, comme lien entre le sensible et l’intelligible.

Il est une difficulté qui se pose devant l’esprit quand on veut établir des rapports entre le monde sensible et le monde intelligible pour déterminer les devoirs. Les kantiens nous disent qu’il existe un inconnaissable, et que cet inconnaissable est le bien intelligible ; comment tirer de là, dans le monde sensible, l’approbation ou la désapprobation de tel acte particulier, de la véracité ou du mensonge, de la probité ou du vol, du courage pour supporter la vie où du courage pour s’ôter la vie ? Par cela même que le noumène inconnaissable est seul le bien, aucune des choses réelles qui nous entourent, aucune des actions réelles que nous pouvons accomplir, aucun des sentiments dont nous pouvons jouir n’est le bien, n’a en lui-même une valeur absolue, n’est en lui-même moral. Tout ce qu’on appelle la vie réelle n’est qu’un phénomène, une apparence de l’être ; tout ce que nous y pouvons accomplir n’est également qu’une apparence du bien.

Déjà les stoïciens avaient considéré comme indifférent tout ce qui n’est pas le bien moral, c’est-à-dire la volonté raisonnable, et les mystiques de tous les temps ont également soutenu cette doctrine ; les kantiens à leur tour ne semblent-ils pas y tendre logiquement ? La volonté pure identique à la raison existe par elle-même en nous ; nous trouvons en nous la raison pure toute faite et tout installée ; qu’est-il besoin de plus, et comment établir une relation saisissable entre la volonté pure et nos désirs sensibles, qui occupent deux sphères si différentes ?