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vaine chimère ce qui ne pouvait être vu par le microscope ou être trouvé dans la cornue. Quelque prix qu’il attachât à « la conception mécanique de la nature, » comme à un élément d’une explication satisfaisante du monde, il ne voulait pas admettre qu’à elle seule elle constituât une explication complète du monde. Malgré toutes les peines qu’il s’était données pour procurer aux principes de la conception mécanique de la nature « l’entrée dans un domaine où elle semblait s’avancer avec trop de timidité », il se sentait maintenant poussé « à faire ressortir aussi cet autre côté de la question qui, pendant qu’il faisait ces efforts, lui tenait également au cœur. » Dans des termes qui, au cas où ils seraient absolument exacts, concèdent à ce qu’il veut prévenir plutôt trop que trop peu, il déclara que notre devoir à l’égard de la conception mécanique de la nature consiste à démontrer et à faire bien voir combien le rôle que le mécanisme a à remplir dans la structure du monde est universellement étendu et néanmoins d’une importance tout à fait secondaire.

Cependant la position de notre siècle à l’égard de la conception mécanique de la nature n’est pas la même dans tous les domaines de l’existence. Dans le cercle de la nature morte, pour ce qui tient au macrocosme, nous y sommes habitués dès la jeunesse. Où elle éveille en nous des scrupules sérieux, où en réalité nous ne savons comment l’appliquer, où nous ne pouvons ni la rejeter ni nous sentir complètement satisfaits par elle, où bien des choses incontestables et respectables nous paraissent difficiles à concilier avec elle, c’est quand nous considérons la vie, l’existence organique et particulièrement l’existence humaine, c’est-à-dire précisément dans le domaine où les efforts de Lotze tendaient à introduire la conception mécanique de la nature. Il s’attacha d’autant plus, « en faisant ressortir l’autre côté », à l’existence humaine, au microcosme de l’être humain ; il s’occupa de déterminer quelle est à proprement parler, dans le tout universel à l’influence duquel nous nous sentons de plus en plus subordonnés d’après les résultats de la science moderne, quelle est, dis-je, l’importance de l’homme et de la vie humaine avec ses phénomènes constants (reparaissant dans chaque individu et dans chaque génération) et le cours changeant de son histoire.

Ces pensées et ces méditations ont conduit Lotze à la création d’un chef-d’œuvre non seulement de la littérature philosophique, mais de la littérature nationale de l’Allemagne, qui remplit d’une manière brillante le but que l’auteur s’est proposé dans le titre et qui peut figurer à côté du Cosmos de Humboldt et des Idées de Herder pour servir à la philosophie de l’histoire de l’humanité.

Il y a quelques mois, Hugo Gommer a parfaitement caractérisé