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célébrité historique, il faut mentionner celui sur « l’âme et la vie psychique » (1846), qui contient dans une esquisse vive et rapide un grand nombre des vues générales développées dans les œuvres postérieures de Lotze. Il ne faut pas non plus oublier les deux écrits : Physiologie générale de la vie corporelle (Allgemeine Physiologie des körperlichen Lebens, Leipzig, 1851) et Psychologie médicale ou physiologie de l’âme (Medizinische Psychologie oder Physiologie der Seele. Leipzig, 1852).

Après avoir achevé ces travaux, Loize se consacra tout’entier jusqu’au milieu des années 1860-1870 à la création de son ouvrage principal, le Makrokosmus, ouvrage qui est venu bien à propos. Précisément à l’époque où le matérialisme était en vogue, dans tous les cercles intellectuels, où ses adeptes, prétendant que leur doctrine édifiée sur la base granitique des sciences naturelles vivra avec elles et tombera avec elles, terrorisaient les esprits même dans le domaine de la science, Lotze démontra dans un ouvrage classique pour le fond et pour la forme, non seulement à tous les hommes spéciaux, mais à tout homme ayant reçu quelque instruction, que le matérialisme n’est pas la philosophie des sciences naturelles ; que, si on le prend pour guide, toutes ces choses, qui sont la condition sine quâ non de toute existence humaine, la religion, la morale, la justice, disparaîtront ; que l’existence de l’âme, l’existence de Dieu, le libre arbitre ne sont ni des contes de nourrice, ni des chimères, ni des produits de la simplicité campagnarde ou de la ruse des prêtres. C’était là un adversaire tel que les apôtres du matérialisme n’étaient pas habitués à en rencontrer. Ils ne pouvaient pas, selon leur habitude, essayer de le discréditer en lui refusant la compétence ; depuis de nombreuses années, ils ne l’avaient que trop souvent, dans leur imprévoyance, invoqué comme un juge compétent. Ce n’était pas un de ces hommes étrangers aux tendances modernes, aux recherches scientifiques, et éprouvant en leur présence une frayeur qu’ils cherchent à cacher le mieux possible. Au contraire, l’orgueil fondé sur les brillantes conquêtes des sciences modernes, la joie inspirée par les progrès faits dans l’étude de la nature, trouvaient en lui la plus vive sympathie et l’interprète le plus éloquent. Aux qualités solides du fond de l’ouvrage vinrent se joindre la diction magistrale, le style noble, élégant, qui ne porte plus aucune trace des efforts de l’esprit pour produire les idées. Dans aucun ouvrage les facultés de Lotze n’apparaissent sous en jour plus avantageux.

Si le charme exercé par le matérialisme sur les contemporains a été rompu, ce résultat est dû au Microcosme ; mais le Microcosme n’a pas été écrit directement dans l’intention de combattre le maté-