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E. REHNISCH. — hermann lotze

l’exposition se propose de nous amener n’est pas en rapport avec la marche et les dispositions auxquelles elle est obligée de se conformer, et que celles-ci nous apparaissent alors comme inexactes. Dans le second cas, au contraire, la justesse des idées dont nous saluons avec joie l’apparition, qui enrichirait et ferait certainement progresser la science, laisse fortement à désirer, parce qu’on force ces idées dans un cadre qui en vérité n’était pas fait pour elles.

Mais, si nous ne voulons pas être injustes dans cette appréciation du caractère particulier des œuvres de Lotze et envers l’auteur lui-même, il faut nous rappeler, comme nous l’avons indiqué plus haut, que sous le rapport du travail personnel et indépendant le professeur de philosophie dans une université allemande se trouve dans une situation bien plus défavorable que la plupart de ses collègues. Il faut avoir présent à l’esprit que, pour l’enseignement de la philosophie dans nos universités, on demande au professeur ou plutôt on exige de lui un travail que l’on a depuis longtemps cessé de demander aux professeurs des autres sciences. Si nous exigions des professeurs de droit que chacun d’eux fit des cours sur les différentes branches de la jurisprudence, on nous demanderait si nous sommes bien de notre siècle. Si l’on disait à un historien qu’il pourrait bien enseigner l’histoire ancienne, moderne et du moyen âge en même temps que la géographie, il s’informerait sans doute si on le prend pour un professeur de gymnase. Et celui qui exprimerait devant les professeurs des sciences naturelles descriptives l’opinion qu’un seul professeur suffirait pour l’enseignement de la zoologie, de la botanique, de la minéralogie et de la géologie, recevrait sans doute pour toute réponse : Apparemment vous parlez de choses auxquelles vous n’entendez rien. Mais, quant à la philosophie, tout le monde croit qu’une telle extension des devoirs professionnels, une telle absence de division du travail, considérées dans tous les autres cas comme la ruine de tout enseignement scientifique, sont chose naturelle et d’exécution facile. Le professeur de philosophie est aujourd’hui, comparativement aux professeurs de mathématiques, d’histoire naturelle, d’histoire, de philologie, dans une situation quelquefois inférieure à celle du professeur de gymnase.

L’observation que les générations précédentes ont supporté sans objection une pareille extension des devoirs professionnels, et qu’elles la regardaient même comme une gloire, comme la mesure de la capacité scientifique de celui qui pouvait les remplir, est reçue avec autant de faveur qu’elle est historiquement exacte. Cela tient à ce qu’autrefois on avait une opinion différente sur les sciences en général et non seulement sur la philosophie. Autrefois, la science