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E. REHNISCH. — hermann lotze

Leipzig d’une façon si énergique par Drobisch et Hartenstein à l’époque où Lotze étudia à cette université. Ce qui le conduisit d’abord aux études philosophiques n’avait aucun rapport avec la médecine et les sciences physiques ; ce fut au contraire ce vif penchant pour la po et les arts qu’il ressentait déjà en venant à l’université. Ce sentiment le poussa d’abord vers l’esthétique, qui resta l’objet favori de ses études, vers la tendance idéaliste de la philosophie allemande moderne, vers ce grand cercle de vues larges développées par Fichte, Schelling et Hegel, non pas comme un système de doctrines fermé, mais comme une éducation intellectuelle d’un genre particulier ; Chr.-Heinrich Weisze fut son maître. Lotze s’est expliqué à cet égard vingt années plus tard en rappelant « les belles années de sa jeunesse », et a déclaré expressément que, s’il doit mentionner une influence décisive exercée sur lui et dont les effets lui aient toujours été agréables, c’est l’enseignement de son excellent professeur et ami Weisze. Celui-ci ne l’avait pas seulement introduit dans de vastes domaines intellectuels, mais lui avait encore sur une question déterminée donné des notions tellement solides que jamais (nous pouvons rappeler ici la haute estime que Lotze a toujours professée pour l’esthétique de Weisze) il n’avait rencontré de circonstance extérieure ni trouvé de motif intérieur qui pût l’engager à renoncer à cette acquisition intellectuelle. Quant à d’autres parties des vues de Hegel et surtout quant à la forme dans laquelle le tout était présenté, les études scientifiques obligatoires pour le futur médecin lui donnèrent la ferme conviction qu’elles ne pouvaient pas se soutenir. Dans les cours préparatoires aux études médicales, il eut précisément pour professeurs Weber, Volkmann, Fechner bien des années plus tard, il mentionnait avec reconnaissance Claus pour la partie pratique). Les mathématiques et la physique servirent toujours à Lotze de critérium pour ses idées relatives à la science et aux caractères qui la constituent. Il acquit la conviction que la philosophie idéaliste, telle qu’elle existe, n’a pas le caractère d’une science, mais plutôt celui d’un poème, d’une production poétique d’un roman écrit en termes abstraits. Il lui parut de plus en plus évident qu’un système philosophique qui doit nous satisfaire, n’a pas le droit de traiter à la légère les conquêtes les plus glorieuses des travaux scientifiques modernes, les explications fournies par les mathématiques et la physique sur l’univers et de les rejeter dédaigneusement sans même les connaître. On comprend comment cette figure imposante qui apparaît à l’aurore de la science allemande moderne, enrichissant à la fois la philosophie, les mathématiques, les sciences physiques de ses conceptions grandioses et