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complètement, D’après ce que nous avons dit, pour M. Tissot comme pour Secchi, ce phénomène type est le choc de deux corps.

Il faut toutefois se représenter le choc de deux atomes ; s’ils sont durs, on ne peut maintenir le principe de la conservation des forces vives ; s’ils sont parfaitement élastiques, nous ne pouvons nous les figurer autrement que comme compressibles au moment du choc, par conséquent poreux, par conséquent divisibles ; dès lors, ce ne sont plus de vrais atomes.

Pour échapper à ce double écueil, M. Tissot a finalement recours à l’hypothèse des atomes-tourbillons de sir William Thomson, qu’il déclare d’ailleurs ne connaître que par ce qu’en dit M. Wurtz dans sa Théorie atomique. Peut-être une étude plus approfondie de cette ingénieuse hypothèse l’eût-elle conduit à modifier la forme sous laquelle il la présente.

Les anneaux-tourbillons ont été étudiés mathématiquement et expérimentalement ; pour en préciser le concept, il est essentiel de distinguer les deux ordres d’idées, absolument différents l’un de l’autre.

L’ouvrage de M. Wurtz contient au reste une légère inexactitude qui ici a son importance. L’anneau-tourbillon (Wirbelring), réalisé expérimentalement, n’est nullement le fil-tourbillon (Wirbelfäden) d’Helmholtz, dont la section est infiniment petite et dont la périphérie est formée de lignes-tourbillons (Wirbellinien), c’est-à-dire de lignes centrales de tourbillons infiniment petits. Or ce n’est qu’à ces lignes et fils-tourbillons que s’appliquent les théorèmes d’Helmholtz sur leur persistance indéfinie lorsqu’ils existent au milieu d’un fluide remplissant certaines conditions,

M. Tissot imagine un fluide parfait, indéfini, continu, incompressible, n’offrant aucune résistance au mouvement, — l’Un-Tout, — à l’intérieur duquel existent des mouvements tourbillonnaires affectant la forme d’anneaux et de dimensions assez petites pour échapper à la perception de nos sens. Si ces tourbillons sont indestructibles et indivisibles, s’ils conservent, en toutes circonstances, leur individualité propre, ils peuvent jouer le rôle d’atomes dans une conception mécanique de l’univers.

Pour examiner la valeur réelle de cette conception de l’univers, nous mettrons à part l’infinitude de ce dernier, conséquence nécessaire de la thèse mécanique, car un univers fini ne peut se comprendre qu’avec des forces agissant à distance.

Nous restons dès lors en présence d’hypothèses qui reviennent à celles d’Helmholtz, sauf que les fils-tourbillons circulaires de celui-ci sont supposés groupés en anneaux-tourbillons auxquels on attribue la même propriété d’indestructibilité.

Or les hypothèses d’Helmholtz ont un caractère de pure fiction mathématique ; sans insister ici sur la notion de l’infiniment petit qui y figure, et dont le sens, parfaitement précis en mathématiques, ne se prête nullement à une représentation objective, il est clair que ces