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Ainsi est demeurée jusqu’à nous, livrée au plus étrange conflit intérieur, la doctrine de Kant, avec deux pôles : l’un négatif, critiqué, tourné vers l’idéalisme ; l’autre positif, dogmatique, orienté vers le monde des choses en soi et des monades. La philosophie nouvelle finit sur cette crise, produit d’une dialectique plus spécieuse et plus raffinée, certes, que l’ancienne, la dialectique de la raison pratique.

Albert Debon.

J. Tissot.Essai de philosophie naturelle. 1re partie : Les agents naturels. La constitution de la matière. La constitution des êtres organisés. — Constantine, typographie 3. Beaumont, 1880. — In-16, 696 pages, 2 planches lithographiées, post-date de 1881 sur la couverture. — Paris, Germer Baillière.

Lorsqu’Angelo Secchi publiait son remarquable ouvrage de l’Unità delle force fisiche, il ajoutait en sous-titre : Saggio di filosofia naturale. C’est dans le même sens qu’il faut entendre l’intitulé adopté par M. Tissot. Ingénieur en chef des mines du département de Constantine, c’est d’ailleurs, nous dit-il, en dressant la carte géologique de cette région, qu’il a été conduit à préciser, à coordonner et à formuler ses idées sur le mécanisme de l’univers, sur son origine et ses destinées.

Mais l’illustre jésuite romain se trouvait obligé d’écarter de son travail toute question sur laquelle se prononce l’Église catholique. Il n’en est pas de même de notre compatriote, qui se déclare nettement panthéiste. Après un second volume consacré au détail du mécanisme cosmique, stellaire et géologique, — volume dont il publie dès aujourd’hui la table des matières, — il nous promet de développer dans une troisième partie les conséquences et la portée pratique de ses doctrines philosophiques, dont il donne seulement aujourd’hui l’avant-goût par l’exposé général de ses principes. La plus grande partie de son livre est donc réservée à la mise en lumière de ses conceptions physiques et de leurs suites les plus importantes.

Il convient sans doute de distinguer dans M. Tissot, d’une part le physicien, de l’autre le philosophe. Ce que disait l’auteur du Timée est toujours vrai ; avec le second, on peut être rigoureux et exiger des démonstrations bien valables ; du premier, dès qu’il ne s’agit plus d’observer et de décrire les phénomènes, mais d’en donner une explication générale, il suffit de réclamer un système plausible et bien lié.

Il prend forcément des hypothèses comme point de départ ; il n’y a qu’à ne pas en oublier le caractère. Car toute nouvelle hypothèse qui se prête à l’explication de la nature est par là même favorable au progrès de la science, les conséquences qu’on en tire provoquant de nouvelles recherches ; elle doit donc être encouragée jusqu’au jour où son impuissance éclate en présence d’une découverte inattendue.

Comme théoricien de physique, M. Tissot possède une réelle compé-