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ANALYSES. — MILOSLAWSKY. Tipy filosofskoi mysli.

La caractéristique des types surannés une fois achevée, l’auteur commence celle des types nouveaux. Cet exposé est loin d’être satisfaisant ; il manque de précision, de netteté et de continuité ; certaines observations sont justes et vraies ; mais l’auteur ne paraît pas distinguer clairement entre les types surannés et nouveaux ; tout ce qu’il nous raconte sur la métaphysique de l’ancienne école est superficiel ; il aurait fallu nous dire sincèrement quels sont parmi les systèmes contemporains ceux qu’il met au niveau des types surannés, Nous aurions voulu savoir au juste ce qu’il pense de la philosophie de Lotze, de Fechner, de celle de Fichte le jeune ou d’Ulrici. Peut-on les condamner pour la seule raison qu’ils enseignent encore la métaphysique ? Miloslawski ne convient-il pas lui-même (chap. 2) que les problèmes métaphysiques peuvent être traités d’une manière nouvelle et conforme aux exigences actuelles de la science ?

L’auteur russe met au premier rang parmi les nouveaux types philosophiques l’idéalisme critique de Lange ; l’attitude de cet éminent penseur est trop bien connue des lecteurs de la Revue pour que nous ayons besoin de répéter tout ce que l’ouvrage de notre auteur renferme sur son compte. Disons brièvement que la caractéristique de Lange y est en général exacte ; son point de départ des idées de Kant et de la physiologie des sens, son rapport avec le matérialisme de l’époque, sont exposés clairement. Ce qui y manque, c’est la vivacité et la grâce charmante du style de Lange, que l’auteur ne se soucie guère d’imiter et ne paraît même pas apprécier, Nous ne saurions dire toutefois que les reproches adressés à ce dernier soient précisément nouveaux, Toutes les observations qu’il lui fait l’ont déjà été par les critiques précédents ; ceci d’ailleurs prouve au mieux que ces reproches ne sont pas sans fondements. Nous convenons de notre part que Lange a détruit la raison d’être de la philosophie comme science spéciale. À ses yeux, elle est un produit purement subjectif, une rêverie dépourvue de base scientifique, Lange avoue bien qu’elle a une valeur éthique, mais un philosophe ne saurait s’en contenter ; ce qu’il lui faut, c’est de voir l’objet de ses recherches posé sur des assises réelles, sans quoi la philosophie devra être rayée du nombre des sciences. Miloslawski a raison encore lorsqu’il reproche à Lange sa conception ambiguë de l’apriorisme, ou son attitude équivoque à l’égard du libre arbitre. Notre auteur est d’avis que toutes les contradictions du système de Lange proviennent de ce que, partisan avoué du matérialisme, il tente néanmoins de maintenir certains droits de l’âme et de la philosophie. Il nous rappelle ce riche de la fable qui, pour se débarrasser d’un pauvre importun, qui est son parent, consent à lui céder le côté extérieur de sa maison à condition qu’il en gardera l’intérieur avec tout le contenu.

Le chapitre VI s’occupe de la réforme de la logique idéaliste, que Miloslawski attribue principalement à l’idéalisme critique, ce dernier ayant démontré que l’entendement et la pensée sont deux processus parfaitement distincts l’un de l’autre et que les produits de la pensée