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ANALYSES. — MILOSLAWSKY. Tipy filosofskoi mysli.

philosophie dans les universités allemandes. Il constate que la science moderne est portée d’elle-même au raisonnement philosophique et soulève à chaque pas des problèmes métaphysiques, devançant sur ce point la philosophie positive ; « car, ajoute-t-il, la nature du monde objet de nos recherches, aussi bien que celle de l’homme qui les poursuit, provoque une philosophie métaphysique. Il assure toutefois que les cours de métaphysique en Allemagne ne sont guère pénétrés d’un esprit nouveau, qu’elle y est toujours encore une déduction de prémisses générales et se trouve en opposition évidente avec le savoir moderne, pour lequel la réalité est le seul point de départ. Depuis Aristote jusqu’à Kant, la philosophie a toujours posé ses questions de la même manière. Kant, tout en les posant autrement, les à cependant résolues à la façon ancienne. Fichte, Schelling, Hegel et même Herbart, dit-il, ont fait de même. Ceci, ajoute-t-il, se répète encore de nos jours. Un résumé des principes métaphysiques de Herbart (page 31) et un exposé général des cours de philosophie aux universités de Gœttingne et de Heidelberg (p.32) doivent servir de preuve à l’opinion énoncée par notre auteur.

Le jugement porté sur Herbart demande certaines restrictions : la métaphysique de ce penseur, tout en rappelant par la forme du raisonnement la métaphysique de l’ancienne école, dénote déjà une attitude moderne. Si Miloslawski s’était rendu compte de la manière dont Herbart a posé les problèmes métaphysiques, s’il avait remarqué ses efforts pour concilier la philosophie avec l’expérience, il ne l’aurait pas classé parmi les types archéologiques de la spéculation allemande, Plus erroné, plus injuste encore est le jugement porté sur Lotze. Le résumé dé ses cours (p. 32) ne prouve pas grand’chose, Peut-on lui reprocher de s’occuper de la nature de l’être ou de celle du phénomène ? N’est-ce pas plutôt le but et le devoir de la métaphysique ?… Si l’auteur s’était donné la peine d’examiner soigneusement la méthode de Lotze, s’il avait comparé sa métaphysique de 1842 avec ses cours actuels, il aurait été à même d’apprécier les mérites de cet illustre penseur et se serait convaincu qu’il n’est point resté en arrière dans la marche du progrès philosophique.

En revanche, M. Miloslawski parait être satisfait de la manière dont la philosophie est enseignée dans les universités allemandes. Voici comment il nous dépeint l’impression qu’il en à reçue : « Un petit nombre d’étudiants sont assis dans une chambre étroite et pour la plupart du temps mal nettoyée. Devant eux s’étalent des cahiers où les cours devront être notés. Le professeur entre, suspend son paletot, s’assied sur une chaise élevée et commence sa leçon. Ce cours improvisé renferme des inexactitudes et des licences littéraires, il laisse beaucoup à désirer ; mais l’autorité du professeur allemand ne consiste pas dans l’éloquence, dans l’exposition artistique des choses. Ceci appartient aux livres ; le professeur n’est pas un livre, il est un esprit parlant ; il ne répète pas une leçon apprise par cœur, mais il travaille, il crée en