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BÉNARD. — la théorie du comique

compartiments ne sont pas mieux établis et les délimitations précises plus à l’abri de la critique.

4o Il y aurait d’autres côtés à considérer dans cette théorie du comique. Je me borne au rôle du comique dans l’art en général et de la place qu’il doit occuper dans les représentations. Ce côté n’avait pas échappé sans doute aux esthéticiens ni aux historiens de l’art et de la littérature. Mais, avant Lessing, qui le premier sérieusement s’en occupe à propos du laid, avec quelle légèreté, quelle banalité, quelle insignifiance ce problème, avec tous ceux qui s’y rattachent, n’est-il pas envisagé et résolu ! Aujourd’hui, toute cette partie des ouvrages des théoriciens de la littérature, des critiques et des historiens de l’art au xviiie siècle (Batteux, Dubos, Marmontel etc.), nous parait fastidieuse, tant le point de vue a changé, tant le rôle de l’art en général nous paraît différent, tant en particulier celui de toute cette face de l’art qui s’appelle le comique et les formes du comique lui-même nous paraît avoir grandi et s’être renouvelé.

Tous ces problèmes n’ont réellement pris de l’importance et de l’intérêt que quand les romantiques les ont soulevés, agités et résolus à leur manière. C’est au sein de cette école et de celle de l’ironie dans l’art, qui en est la théorie, qu’on a vu surgir toutes ces questions. La solution est exagérée, elle est en quelques points absurde, le problème n’est pas moins posé. Le sol a été remué, labouré, cultivé en tous sens ; si les productions ne sont pas à recueillir sans choix, si l’absurde souvent et l’exagération s’y mêlent à la vérité profonde, il en est ici comme des problèmes sociaux, politiques, religieux, qui nous divisent. Le rôle du comique, du grotesque, etc., comme celui du laid, du terrible dans les grandes œuvres de l’art et de la littérature, de Shakespeare, de Gœthe, etc., n’est nié ni méconnu par personne, Schelling et son école, par la manière dont l’art y est envisagé, par la place qui est assignée au comique comme sa dernière efflorescence, ne sont pas sans avoir contribué à donner un haut intérêt à ces questions. Que l’on trouve les formules obscures et ambitieuses, la philosophie de l’art n’est pas moins fondée et la place du comique dans l’art y est toujours assignée.

5o Mais ce n’était pas assez : la place du comique dans chaque art en particulier, dans la sculpture, la peinture, la musique, la poésie et dans chaque genre de poésie, devait être à son tour non l’objet de quelques réflexions, mais directement et sérieusement étudiée ; sous ce rapport, le rôle de chaque art, ses limites, ses conditions et ses différences devaient être nettement marqués. Ce côté important du sujet est traité avec soin et offre beaucoup d’intérêt dans plusieurs