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BÉNARD. — la théorie du comique

cendantale de l’école de l’ironie ou des systèmes suivants, de l’idéalisme de Schelling, de Hegel et de leurs disciples, les tentatives faites depuis, on verra que, sans être complète ni définitive, chacune de ces explications contient une part de vérité, un élément réel, qui doit servir plus tard à édifier une théorie plus complète.

Mais, en supposant que celle-ci se fasse longtemps attendre ou que même elle soit impossible, dira-t-on que les analyses qui accompagnent ces formules et par lesquelles on s’est efforcé de les justifier, les descriptions de faits psychologiques et physiologiques, les unes portant sur les opérations de l’esprit, les autres sur les phénomènes sensibles ou les unes et les autres à la fois, n’ont aucune valeur, sont sans intérêt et sans vérité ? Tout cela est-il faux et à refaire, sans qu’on doive prétendre qu’il n’y a rien à modifier et à ajouter ?

Elles-mêmes, les formules métaphysiques, si elles ne tiennent pas devant des recherches positives, auront encore l’avantage de les avoir provoquées. Mais, à notre avis, ce serait une vue étroite et superficielle que de s’imaginer qu’en elles il n’y a rien de vrai. Ce qui s’aperçoit à travers l’obscurité mystérieuse mais féconde de tous ces systèmes, c’est le principe éternel des choses. Le sphinx garde ses énigmes ; mais c’est déjà quelque chose d’avoir essayé de les résoudre, d’en avoir soupçonné le sens ; c’est même quelque chose, pour l’esprit humain et la raison philosophique, d’avoir vu qu’il y a en effet, ici des énigmes d’en avoir compris la gravité et la difficulté là où tout semblait si simple, si facile et n’avoir rien à dissimuler. Oui, derrière cette scène du monde si variée, si mobile, si étrange, si difficile à démêler et à débrouiller, il y a un fait, le plus étrange peut-être et non encore expliqué, dont le principe mérite d’être recherché, ce fait c’est le risible. À côté de la face sombre et tragique qui nous fait trembler et pleurer, il y a l’autre face qui nous fait rire et dont l’origine première, le secret définitif n’a pas été donné. C’est quelque chose de l’avoir compris. Le sphinx, au moins, sur ce point, s’il n’a été vaincu, a dû reculer. Il faut tenir compte aux penseurs d’avoir vu la portée du problème, de lavoir scruté dans ses profondeurs. Seuls les métaphysiciens ont engagé cette lutte, et, qu’on le sache, elle n’est pas finie.

2o Ce n’est pas seulement la nature du comique et de ses effets qui devait attirer l’attention des philosophes et des esthéticiens ; c’est aussi ses rapports avec les autres formes voisines ou analogues de la pensée, le beau, le laid, le sublime, etc. Dans l’organisation d’une science, ce point est d’une haute importance. C’est donc un progrès réel que de s’en être aperçu et de s’en être préoccupé. On peut reprocher, par exemple, à l’esthétique hégélienne, d’en avoir