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détachées les unes des autres ; elles ont appelé l’attention toujours davantage des penseurs et des esthéticiens. Elles ont été étudiées selon l’esprit, la méthode propre à chaque école et à chaque système, en elles-mêmes et en rapport avec les autres problèmes de la philosophie et de l’esthétique allemandes en particulier.

Y a-t-il eu progrès sur chaque point et sur l’ensemble ? C’est ce que nous avions surtout à examiner.

Nous pensons qu’après l’enquête à laquelle nous nous sommes livré, quelque incomplète qu’elle ait été, on ne saurait conserver le moindre doute, à moins de fermer les yeux à la lumière.

D’abord, qu’un problème inconnu, ou négligé, ou à peine soupçonné des métaphysiciens et des philosophes, abandonné par eux aux littérateurs, soit reconnu appartenir à la philosophie, qu’on en voie la gravité et l’importance, qu’on en aperçoive les difficultés, les formes diverses, les rapports avec d’autres problèmes, et qu’on lui accorde un examen attentif, qu’on s’efforce de le résoudre dans sa complexité, dans son principe et ses applications, quand même les solutions seraient imparfaites et que les résultats de toutes ces recherches laisseraient beaucoup à désirer, on ne peut pas dire qu’il ne s’est pas accompli un réel progrès sur ce point difficile, objet de légitime curiosité, livré aux investigations de la science et de la raison humaine.

Mais est-il vrai qu’en lui-même, et sur chacun des côtés qu’il présente, le problème soit resté stationnaire ? Pour le décider, il faudrait résumer ce qui a été dit de ces formes et rappeler brièvement ce qui a été fait pour chacune d’elles.

1o Sur la nature même du ridicule et du comique, sur les actes de l’esprit qui la perçoivent, sur les effets qu’il produit ou les émotions qu’il provoque dans l’âme, l’ébranlement nerveux qui dans le corps y succède ou les accompagne, sur le genre de plaisir ou de joie qui en résulte, on a vu combien d’efforts ont été tentés pour porter la lumière dans cette région obscure et si difficile à explorer de la nature humaine. Que l’on compare, malgré ce que laisse à désirer aujourd’hui cette théorie, ce qu’elle est, ce que nous savons avec ce que recèle la phrase laconique d’Aristote, en y ajoutant tous les commentaires dont sa Poétique a été, depuis, l’objet de la part des littérateurs et des critiques. On voit combien a été dépassée cette juste mais vague et insuffisante pensée du philosophe grec, où l’on a vu si longtemps la définition du risible et du comique : « un défaut qui n’est pas nuisible. » Les solutions proposées depuis, celles du contraste, de la contradiction sentie, de l’attente réduite à rien, de l’absurdité palpable, celles qu’y substitue la métaphysique trans-